La marche des arts était ascendante, et, de même que le dixième, le onzième siècle est pour l'église de Liège une époque d'accroissement, d'expansion et de force. Éracle avait fondé et commencé la construction des églises de St-Martin, de St-Paul et celle de cette autre abbaye de Bénédictins, St-Laurent, qui devait plus tard acquérir tant d'importance et se signaler par la culture des arts et des lettres.
Ce qui est certain, c'est que, dans toutes les grandes abbayes du pays de Liège, les religieux s'adonnaient à la culture des beaux-arts, et notamment à la peinture des manuscrits. Si les artistes de ce temps avaient toujours attaché leur nom à leurs travaux, comme l'ont fait les deux frères de l'abbaye de Stavelot, il est hors de doute que, malgré la perte et la destruction d'une prodigieuse quantité de manuscrits historiés d'enluminures provenant des maisons religieuses de la principauté, plus d'un des codices conservés dans les bibliothèques devrait être restitué aux nombreux moines artistes qui se livraient alors à la peinture des livres saints, des psautiers et des missels.
Jean Van Eyck a très probablement vécu quelque temps à Liège au début de sa carrière. Son premier patron fut le prince Jean de Bavière, que certainement il suivit en Hollande. Mais après la mort de son premier protecteur, le brillant peintre devint le client des ducs de Bourgogne, qui, en accordant généreusement des faveurs à l'artiste, ne cessèrent d'accabler d'une guerre implacable sa patrie, alors si malheureuse. Le même Philippe-le-Bon, qui donnait à Jean Van Eyck et peut-être à ses frères des places et des commandes, dévasta sans merci l'une des villes les plus opulentes du pays wallon, Dinant, laissant à son héritier le soin de faire subir le même sort à la ville de Liège, en causant aux arts, par le sac de cette capitale, une de ces pertes dont les conséquences ne peuvent plus se calculer aujourd'hui.
La Providence, qui distribue les dons aux nations comme aux individus, n'agit heureusement pas comme les hommes. L'art est une fleur qui germe sur plus de sols qu'on n'est généralement disposé à le croire. La peinture est une sorte de langue naturelle que presque tous les peuples civilisés ont appris à parler, et qui de bonne heure a été connue et cultivée dans l'ancien pays de Liège.
Pendant le XVIIe siècle et le siècle suivant, on voit disparaître des monuments et des églises les œuvres d'art et les tableaux qui souvent furent aliénés par ceux-là mêmes dont les soins auraient dû veiller à leur conservation.