1,2,3 BD ! Chez les libraires ! présente les BD coups de coeurs de Léa et la librairie Super-héros à Paris.
- Baby Blue de Bim Eriksson chez Cambourakis
- Corps Vivante de Julie Delporte chez Pow Pow éditions
- le Demi-double femme de Bonne chez Mosquito
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Je ne prenais plus de photos depuis des années. J’ai ressorti mon vieil appareil argentique, comme si la vie valait à nouveau la peine d’être capturée.
Ce qui ne m’a pas tuée ne m’a pas rendue plus forte. Le temps n’a pas guéri toutes mes blessures. Mais je peux constater que, malgré tout, je suis encore vivante.
Il m’arrive encore d’être traversée par la voix de Freud qui me dit que j’ai une sexualité de petite fille, à cause des orgasmes clitoridiens. J’ai laissé tomber la psychanalyse quand j’ai compris qu’elle ne reflétait pas la réalité, mais qu’elle pouvait aussi la modeler, un peu comme tous les clichés sur les genres au cinéma.
Ce qui ne m’a pas tuée ne m’a pas rendue plus forte. Le temps n’a pas guéri toutes mes blessures.
Mais je peux constater que, malgré tout, je suis encore vivante.
(incipit)
Toutes ces années, j’avais désespérément essayé d’être belle alors que je l’étais déjà.
Comment vivre une vie bonne dans un monde mauvais ? – Judith Butler
En thérapie, on m’a proposé de consoler l’enfant que j’avais été.
De jour-là, j’étais presque étonnée de me sentir normale. C’était toute ma vie d’avant qui était anormale.
Au musée des beaux-arts de Toronto, je suis restée longtemps devant des vulves dessinées par un artiste dont je ne me souviens pas le nom. Je voulais apprivoiser doucement cette forme qui me faisait un peu peur. Cette forme est maintenant ma préférée, je la vois partout.
J’ai mis longtemps à comprendre le geste de Jeanne Dielman. Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles (encore Chantal Akerman), est un film de trois heures pendant lesquelles Jeanne (Delphine Serig) fait le ménage et se prostitue. Un jour, un client la fait jouir pour la première fois : son quotidien se dérègle et elle finit par tuer l’homme. La première fois que j’ai vu le film, j’ai cru que Jeanne n’en pouvait plus d’éplucher des patates et de se prostituer. La deuxième fois, j’ai imaginé qu’elle ne supportait pas l’irruption du plaisir dans sa vie ordonnée. Mon professeur d’histoire du cinéma avait probablement induit cette interprétation. La troisième fois, j’ai eu une épiphanie. J’ai ressenti sa jouissance comme une violente trahison de son corps. Comme celle du mien, enfant. Et plus tard, toutes ces fois où je ne voulais pas. Penser au nombre de fois où j’ai fait l’amour sans le vouloir me fait peur. Ce n’est pas sale ni immoral. Mais vraiment, j’ai la sensation de m’être fait avoir. Les garçons étaient toujours dans mon pantalon avant que j’aie le temps de me demander s’ils me plaisaient. Je pratiquais ma sexualité dans la peur de n’être aimée de personne. Elle était le prix à payer pour une peu de tendresse. Je croyais que c’était cruel pour l’autre de m’arrêter en plein milieu. Je croyais que c’était égoïste de ne pas aimer les fellations.