Lécrivaine rohrbachoise Julie Muller Volb vient de sortir son nouveau roman « Apis Apocalypsis » inspiré du Simserhof.
Réalisation : Maurane GRANDCOLAS
Le premier symptome de l'amour vrai chez un jeune homme c'est la timidité, chez une jeune fille c'est la hardiesse.
Je me laisse tomber sur le banc, la tête dans mes mains, frottant mes tempes du bout des doigts pour apaiser mes réflexions douloureuses.
- Euh... sinon, interrompt Liam, c'est toi qui a fait ça, Mila ?
- Quoi ?
- Ces trucs. C'est toi qui les as fait pousser ?
Il pointe du menton un petit regroupement de fleurs jaunes, à mes pieds.
- Qu'est-ce que j'en sais de ce que c'est. Des fleurs. Pourquoi voudrais-tu que je fasse pousser des fleurs, j'en suis bien incapable ! m'emporté-je devant sa plaisanterie.
- N'en sois pas si certaine, Liam a raison. Ce sont des fleurs de souci, et elles n'étaient pas là il y a quelques minutes.
Quoi ! ils se foutent de moi ?
- C'est une blague ?
- Je ne crois pas, répond Jeremiah le plus sérieusement du monde.
- Alors là, c'est vraiment ma veine ! Quelle guerrière sanguinaire je fais avec mes pâquerettes !
- Des soucis.
- Pâquerettes, soucis... quelle différence ça fait ? Je ne vais pas me battre à coup de rhododendrons non plus.
Liam ne peut retenir un rire franc, et qui pourrait lui en vouloir ? Je suis tellement ridicule que même moi j'en rirais presque si je ne me trouvais pas si tristement pitoyable.
Voilà la dure réalité de la vie quotidienne dans un lycée : si l'on ne rentre pas dans le moule, on est forcé de vivre toute sa scolarité en paria !
Et puis il y a moi. Je n'entre dans aucune des deux catégories, tout simplement parce que je m'y refuse. Il est hors de question pour moi d'être définie par ces étiquettes, je veux être libre de pouvoir être celle que je suis, avoir la possibilité d'être à la fois ringarde et mignonne, peut-être, ou bien intelligente et fréquentable, sans aller jusqu'à être populaire, mais surtout briser ces chaînes qui nous entravent tous. Aller au-delà des conventions et des a priori...
Elle ne s'effondre pas une seule fois dans le noir, alors que je manque de glisser à maintes reprises sur les poussières qui se promènent en moutons cotonneux. Les planches craquent sous mes pieds, elle me supplie dans un chuchotement de faire moins de bruit, sans quoi nous serons repérés. Sa supplique me glace le sang. Elle semble réellement affolée. J'accélère pour la rejoindre sur les marches de marbre.
Dans trois semaines, nous y serons. Ma famille s'attend toujours à me voir arriver avec l'un de leurs prétendants, ils vont être déçus. Je décide qu'il s'agit du dernier Noël où je les décevrai, l'année prochaine, je n'irai pas. Je n'irai plus tant que le paraître et les faux semblants mèneront la danse.
Tout mon corps se relâche, un long soupir s'échappe de ma poitrine, et je peux sentir chacun de mes muscles se détendre maintenant que ce choix a été exprimé.
Je choisis de me faire passer avant les désirs des autres.
Je veux me retrouver, m'épanouir et m'accomplir. Je ne veux plus faire semblant. Je veux être moi, je veux être libre, je veux de la magie et de la joie ! Et je ferai tout pour les trouver en moi d'abord, avant de tenter de les offrir aux autres.
- Oh, le mioche, tu te calmes ! T'as quel âge pour me parler ainsi ? Un peu de respect ! Je te signale que je viens juste de sauver ton petit cul de prétentieux lunatique d'une mort certaine, alors ne me remercie pas, surtout !
J'en reste coite de stupeur et ma mâchoire se décroche de son propre chef. Il le remarque aussitôt et affiche un sourire satisfait, éblouissant, qui en ferait pâlir plus d'une.
- Ouais, je sais ! s'exclame-t-il. J'ai découvert la grossièreté en arrivant sur Terre et je trouve ça exquis ! se justifie-t-il.
Il est parfois des gens qui croisent notre route pour embellir notre vie le temps de quelques kilomètres, puis qui disparaissent en ayant marqué nos vies.
Je ne suis même pas sûr qu'elle ait vu le dénouement de notre affrontement. Elle est tel un animal sauvage retenu en cage, battu et brisé. Elle a saisi sa chance au vol sans regarder en arrière. Je regrette tant de choses, cependant lorsque mon regard se pose sur le bureau des horreurs, j'ai le cœur plus léger. Son tortionnaire ne la touchera plus, ni elle ni aucune autre petite fille innocente.
Je jubile intérieurement de l'avoir touché dans son amour propre, les mots sont une arme puissante dont personne ne me privera. Ma liberté d'expression m'appartient et j'en ferai usage tant que je vivrai ! Enfin tant que je le pourrai... ils seraient capable de me couper la langue... j'en frissonne rien qu'à y penser.
- [...] Mes chants pourraient te contraindre à m’offrir ce baiser.
[...]
- Peut-être bien, mais que vaut un baiser s’il n’est pas offert avec amour ?
[...]
- Je n’en connais pas la différence, avoue-t-elle.
[...]
- Quel est votre nom ?
- Pourquoi ?
- Pour que je puisse me souvenir de votre générosité et vous remercier du cadeau que vous m’accordez.
- Un cadeau ? Ce n’est pas un cadeau, tu le dis toi-même, les hommes de Morval arrivent.
- Vous m’avez offert de garder mon libre arbitre, vous ne m’avez pas contraint à être vôtre. Je mourrai libre d’avoir su rester fidèle à mon cœur. Votre âme est bonne et je vous souhaite d’être aimée d’un amour profond et pur, pour que vous puissiez ressentir la différence inestimable.