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Citation de Charybde2


L’un des aspects les plus frappants du génie singulier d’Alan Moore est qu’il use indistinctement de références fictionnelles (pour l’essentiel d’emprunts à un canon de littérature écrite centré sur les mondes imaginaires) et de références factuelles (principalement scientifiques, occultisantes et historiques), pour les ordonner dans les structures cristallines qui caractérisent son œuvre. Nous allons ici aborder cette indistinction entre références fictives et références factuelles, la vision de la planète Mars et la vision du monstre criminel victorien. Nous exploiterons pour ceci trois œuvres, The League of Extraordinary Gentlemen, From Hell et Watchmen. (…)
La difficulté qu’on peut pressentir dans une telle entreprise de remploi indistinct de fiction et de réalité, c’est que le réel se plie moins facilement que la fiction aux desseins du scénariste. Les auteurs de romans historiques ont l’habitude de faire subir au référent qu’ils convoquent les déformations qui sont nécessitées par la fiction (depuis les romans de Walter Scott, les personnages des romans historiques rencontrent d’autres personnages qui normalement devraient être morts ; des événements qui, dans la réalité, sont séparés par plusieurs décennies, sont décrits comme contemporains, etc.). Mais précisément, Moore ne se soucie pas d’écrire du roman historique. (…) Ce n’est donc pas la mise en fiction d’un matériau événementiel préexistant (la transformation de l’Histoire en histoire) qui pose problème, puisque Moore n’en fait qu’à sa tête. La difficulté apparaît au niveau de la structuration interne de l’univers fictionnel obtenu à partir d’un référent historique. L’art d’Alan Moore consiste à créer ce que nous appelons plus haut des structures cristallines, c’est-à-dire des structures fictionnelles où les motifs se reflètent les uns dans les autres et qui, lorsqu’on les considère dans leur totalité, se caractérisent par la symétrie de leur organisation.
Cependant, ce qui fonctionne comme l’organisation d’un monde fictionnel cohérent quand Moore convoque et jointoie des univers fictionnels divers semble fonctionner différemment quand il utilise à ses fins des fragments de réalité. L’œuvre tend alors vers une juxtaposition de symboles et l’événement tend à disparaître derrière l’interprétation que lui donne l’auteur. Autrement dit, Moore excelle à concrétiser, à incarner des mythes littéraires, à leur donner force et épaisseur, mais quand il part de la réalité (…), il obtient le résultat inverse : les personnages et les événements se dissolvent dans le rêve. La structure qui est mise en place est une structure abstraite, de type gnostique. (Harry Morgan & Manuel Hirtz, « Jack l’Éventreur dans la planète Mars »)
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