Kamel Hussein

Le Christ appelait les hommes à juger, à penser, à agir selon leur conscience. En décidant de le mettre en croix, ils décidaient de mettre à mort la conscience, ce juge secret de l’âme humaine. Ils préférèrent les commandements de la raison, de la religion, à ceux de leur conscience. Mais par quoi la remplacer lorsqu’elle est perdue ? C’est un feu embrasé à la lumière divine et les hommes n’ont rien d’autre pour les conduire. Toute vertu tourne au vice, le bien devient le mal, et la raison folie, s’ils viennent à perdre ce guide. Une ville est plongée dans l’ombre : quand la lune se lève sur elle, les monuments, les maisons indiquent leur chemin aux passants. Quand l’obscurité enveloppe tout, ces monuments, édifices de beauté, sont autant d’obstacles : ils ne peuvent que nuire, égarer. La conscience illumine les hommes et leurs vertus les conduisent ; elle s’éteint et tout ce qu’il y a en eux d’intelligence et de bien leur fait tort.

Ce jour-là, les hommes ont voulu tuer leur conscience, et cela – qu’ils ont voulu – figure leur plus grande misère. Les événements de cette journée nous l’enseignent : la source du mal est dans cette volonté de détruire la conscience, d’en obscurcir la lumière, de chercher, en dehors d’elle, une issue.

Cette journée n’appartient pas aux chroniques des premiers siècles : elle se renouvèle dans la vie de chacun. (pp. 32-33)

Je suis stupéfait de ce que disent les partisans de la guerre qui voient en elle une créatrice des vertus de la société. Or les vertus n'existent que dans les individus. Les guerres tuent les individus les plus braves, elles laissent les autres jouir de la vie. (...) Cette gloire, seuls en ont plein la bouche les vivants qui n'y ont joué aucune rôle. Les morts qui l'ont instaurée par le sang n'en obtiennent aucune part. Répartition inique entre les vivants et les martyrs.