Par sécurité, j’avais pris l’habitude de toujours tirer deux fois. Laisser une cible pour morte puis se rendre compte, parfois des jours plus tard, qu’elle était devenue la seule personne au monde capable de vous identifier n’était jamais une nouvelle très plaisante. Même les tueurs à gages ont leurs histoires d’horreur.
Avec ce pistolet dans les mains, j’avais appris beaucoup de choses ; sur moi-même, sur le pouvoir de la peur et de la mort, sur les autres. Ses imperfections étaient comme mes cicatrices, les traces d’une histoire qu’il était dangereux d’oublier.
- Est-ce que tu peux me réciter les 5 règles que je t'ai enseignées ?
Il croisa les bras, vexé que je doute de lui.
- Je suis capable de respecter tes règles, Ava.
- Mais est-ce que tu seras capable de survivre si tu en enfreins ne serait-ce qu'une seule ?
- Bien sûr ! Numéro un, ne pas s'attacher ; numéro deux, ne pas laisser de traces ; numéro trois, ne pas dénoncer les autres tueurs ; numéro quatre, utiliser un alias au cas où quelqu'un ne respecterait pas la règle précédente ; numéro cinq, ne pas se mettre à dos plus fort ou plus tordu que soi. Cinq règles, cinq doigts pour tenir fermement son arme.
Il les avait énumérées en comptant sur ses doigts, je faillis répliquer que j'avais connu certaines personnes qui ne possédaient plus leurs cinq doigts mais qui tenaient leur l'arme plus fermement que lui.
Bien sûr, j’aurais été obligée d’emporter le linge de toilette avec moi en partant même s’il avait été noir à l’origine ; la couleur n’était vraiment pas le problème. L’employé qui avait fait ce choix n’avait pas prévu qu’un assassin aurait besoin de venir travailler dans son hôtel, personne ne pouvait lui en vouloir. Non, pour être honnête, ce qui m’ennuyait était que je n’avais pas pris un sac assez grand pour voler toutes les serviettes discrètement. Et des serviettes blanches tachées de sang qui dépassaient d’un petit sac, c’était tout sauf discret. J’avais horreur que les choses ne se passent pas comme prévu.
Une grimace involontaire se dessina sur mon visage lorsque mon regard se posa sur la seconde raison de ma mauvaise humeur. C’était la deuxième fois en l’espace de six mois que j’exécutais un contrat si salement et je détestais ça ; non seulement je savais d’expérience combien il était difficile de faire disparaître des taches de sang, mais cela signifiait également que je devais être encore plus vigilante à ne laisser aucune marque de mon existence.
Il était près de deux heures du matin et je me lavais les mains dans la salle de bain d’une chambre d’hôtel. Rien ne s’était passé comme prévu ; le savon sentait trop fort, je n’arrivais pas à enlever les dernières traces de sang sous mes ongles et, pour ajouter à mon agacement, toutes les serviettes blanches étaient souillées de taches écarlates à force d’éponger le flot continu qui s’écoulait de mon arcade sourcilière
je m’étais penchée au-dessus de sa tête, l’avais attrapé par les cheveux et lui avais tranché la gorge d’un geste précis. J’aurais aimé qu’il ait le temps de comprendre ce qu’il lui arrivait, qu’il ait le temps de me regarder dans les yeux, comme il l’avait fait tant de fois avec les femmes qu’il violentait sans vergogne ; j’aurais aimé voir son expression quand il n’y aurait lu aucune peur.
Par sécurité, j’avais pris l’habitude de toujours tirer deux fois. Laisser une cible pour morte puis se rendre compte, parfois des jours plus tard, qu’elle était devenue la seule personne au monde capable de vous identifier n’était jamais une nouvelle très plaisante. Même les tueurs à gages ont leurs histoires d’horreur.
Au bout de dix secondes, j’avais été positivement épuisée d’attendre qu’il se décide à cesser de respirer. Je n’avais pas envie de gâcher une autre balle et, quoi que l’on en dise, cinq coups pour tuer quelqu’un de sang-froid étaient au moins trois de trop. Autant écrire « amateur » en majuscules sur le mur.
J’adorais mes poignards et les considérais presque comme des œuvres d’art, aussi, je ne les utilisais qu’en dernier recours, dans l’éventualité où une personne mal intentionnée arriverait à me séparer de mon pistolet. J’avais rarement besoin de les sortir de leurs fourreaux.