Tout le monde au Japon connaît ce poème. Kenji le portait toujours sur lui, noté dans un petit carnet noir. C’était en somme une ligne de conduite personnelle, intime, qui a trouvé des échos innombrables par la suite.
QUE LA PLUIE ne m’abatte
Pas davantage que le vent
Ni la neige
Ni la chaleur de l’été
Un corps en bonne santé
Pas de désirs
Jamais d’emportements
Que toujours
Je rie paisiblement
Que je mange chaque jour
Quatre bols de riz brun
De la soupe, quelques légumes
Devant toutes choses
Que je m’efface moi-même
Que je les voie, les écoute, les comprenne
bien et jamais plus
ne les oublie
Que j’habite une petite cabane
Au toit de chaume
À l’ombre d’un bois de pins
Parmi les prés
Un enfant souffre au levant
Que je parte le soigner
Une mère n’en peut plus au couchant
Que je lui porte ses bottes de riz
Un mourant au sud
Que j’aille lui dire : “n’aie pas peur”
Des disputes, des chicanes au nord
Que j’affirme leur bêtise et les achève
Que mes larmes coulent
En cas de sécheresse
Que ma marche se bouleverse
Si un été est trop froid
Que tous me nomment
simple d’esprit
Que je ne sois ni loué
ni tourmenté
Voilà comme
Je veux devenir
(Traduction Hélène Morita)