La nécessité de se tailler [l'intuition / la mise en œuvre] de son propre traitement d'une arène particulière du langage
Des identifications sociales et psychiques qui bouleversent et (ré) envisagent, pour remettre en cause les conventions de codification
(«Les aphorismes sont des« connaissances brisées »qui créent des merveilles,« Progression, Bacon »)
Myung Mi Kim
Comme beaucoup de ces longs ouvrages (il s'agit souvent d'extraits de séquences étendues), les poèmes de l'anthologie comportent un certain degré d'auto-référentialité quant à la forme. Une autre qualité associée au long poème (et au postmoderne) est le fragment, ouvertement référencé par Kim dans une citation de la théorie esthétique d'Adorno: «Le fragment est cette partie de la totalité de l'œuvre qui s'oppose à la totalité». Il est intéressant de confronter cette pensée à l'idée de désindividualisation soulevée par Cooke, puisque l'individu peut aussi être lu comme un fragment du collectif. Une autre citation que Kim fait à Hélène Cixous nuance davantage cette pensée, qu'une partie de la cause du poète est «d'aimer l'autre, avant même d'être aimé». D'autres poèmes évoquent le multilinguisme dans la poésie - même si la sélection de Barbara Jane Reyes en est un exemple - et renforcent les inquiétudes sur la façon dont l'anglais est construit et distribué.
Bien que les aventures avec la forme soient une caractéristique, elles ne submergent ni ne dominent les images ou les idées présentes dans l'écriture, elles émergent plutôt comme faisant partie du besoin du contenu de perturber et de protester contre les conventions. Des extraits de «Memory Cards: Albert Saijo Series» de Susan Shultz prennent une phrase ou une phrase de Saijo's Outspeaks: A Rhapsody comme point de départ. Ces courtes pièces en prose sont de qualité onirique et de forme flexible - j'aimais «trope» comme verbe.
Leslie Murray (1938-), poète australien
La Chute de la Rue Aphrodite
C'est donc reparti pour le lèche-vitrine
dans la Rue Aphrodite
car les pommes sont empilées et bien juteuses
mais certaines sont de la mort à manger.
Car en une Génération seulement,
la vitrine s'est changée en air -
et quand vous cherchez cette Génération,
la moitié n'est plus là.
Une laideur d'esprit
lorgnait sur le monde comme un chien de chasse.
Et maintenant il gronde et gémit
après son analogue de chair.
Ce qui lui plaisait l'a mis en colère:
les érudits Audience, Ostentation et Scène
avaient enseigné que tout ce qui est exceptionnel
se réduisait à des boutons sur une machine de peau.
Des catégories plus pures de cette métaphysique
furent trahies dans des voitures garées
dans les ruelles, où des gens s'accouplaient ou s'emboîtaient
comme des svastikas désespérées.
L'Âge, l'Esprit, la Bonté, tout cela n'était que raillerie.
la grâce fut asservie à la viande.
Jamais tu n'avais été agressé jusqu'à ce que tu sois agressé
dans la rue Aphrodite.
Dieu aide les millions d'êtres que la rue a tué
et ceux qu'elle a écoeuré aussi,
quand elle était construite derrière chaque maison
bien souvent à coup de bulldozer.
Les pommes gonflent encore, mais de plus en plus
sont littéralement de la mort à manger
et c'est donc reparti pour le lèche vitrine
dans la rue d'Aphrodite.
Hone Tuwhare (1922-2008), poète néo-zélandais
Pas un soleil ordinaire
Arbre, laisse tes bras tomber :
ne les lève pas brusquement en supplication
devers le brillant nuage enveloppé d'un halo.
Laisse tes bras manquer de solidité et
de résistance, car ceci n'est ni une simple hache
à émousser, ni un feu à étouffer.
Ta sève ne montera plus de nouveau
sous la traction de la lune.
N'incline plus ta tête déférente
à la parole du vent, ne te roidis plus
sous le chatouillis de la pluie en trombe.
Ta rusticité passée ne sera plus
couronnée par l'agréable vol
des oiseaux ni ne protégera
ni ne rafraîchira l'ardeur des amants insouciants
du monstrueux soleil.
Arbre, laisse tes bras nus tomber
n'etends plus de vaines supplications à la boule radiante.
Ceci n'est pas un éclair de mousson galante,
un commerce précipité du souffle du vent.
La verdeur mourante de tes émanations magiques
ne purifiera plus ces cieux pollués... Car ceci n'est pas
un soleil ordinaire.
Ô Arbre
dans les montagnes sans ombre
les plaines blanches et
le plancher de la mer
ta fin est enfin écrite.
traduit de l'anglais par E. Dupas
Jacqueline Cecilia Sturm (1927-2009), poétesse néo-zélandaise
Chanson de Printemps
Oh certainement ce fut une belle journée
si belle que je suis allée marcher sur des pierres rieuses
qui s'esclaffaient toutes de ma cervelle d'horloge à aiguilles
tournant tournant autour d'un but toujours absent
et voué à n'être jamais, rien qu'un tic-tac.
Passant près d'un joyeux juge-arbre, je fus jugée,
condamnée et pendue avec les plus grains soins par une
brindille insouciante avec un bourgeon autour de ma nuque, équarrie
par un rayon de soleil et chantée par une grive
à la gorge torrentielle, sans tic-tac.
Cela jusqu'à ce qu'un vent vert m'emporte glacée
dans la tombe d'une jonquille pour y enterrer mon hiver;
roulée dans un lit de terre sous une couverture
de soleil, j'étais heureuse de croître comme les chous
croissent, ne sachant rien des tic-tacs, non.
traduit de l'anglais par E.Dupas
Hone Tuwhare (1922-2008), poète néo-zélandais
Pluie
Pluie,
Je peux t'entendre
faire des petits trous
dans le silence
Pluie
Si j'étais sourd,
les pores de ma peau
s'ouvriraient à toi
et se fermeraient
et je te reconnaîtrais
à ton léchage
Si j'étais aveugle,
à ton odeur si particulière
quand le soleil cuit
le sol
au stable
bruit de roulement de tambour
que tu produis
quand le vent tombe
Mais si je ne devais ni t'entendre,
ni te sentir, ni te ressentir ou
te voir
toujours
tu me définirais
tu me disperserais
tu me laverais
Pluie
traduit de l'anglais par E. Dupas
atoll
lagune
ligne de date
Musicien
Ya-Wen Ho