Les hommes qui vivent dans de telles conditions racontent , quand on les capture, que les oreilles d'un type pissent le sang quand une bombe de 750 livres d'un B-52 explose à dix mètres de l'entrée de sa caverne. Ils expliquent qu'ils ont appris à garder la bouche ouverte pendant le bombardement, parce que si on la ferme, la pression des explosions fait aussi éclater le cerveau.
Maintenant la guerre avait transformé Saigon en un amas de bidonvilles urbains ou banlieusards, grouillants des réfugiés de la campagne appauvrie. Les rues étaient pleines de mendiants, de blessés de guerre, de déserteurs. Saigon était devenue une ville souillon, capitale nationale, oui, mais aussi la cible de puissances internationales rivales, un port dans la vaste plaine boueuse du Mékong et le centre politique des espoirs de l'homme blanc en Indochine.