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Citation de Charybde2


Franck Parker avait bourlingué dans toutes les contrées qui contribuaient au rayonnement de la France, ou bien à sa chute prochaine, tant elle avait appris à se faire haïr. Il s’était rendu à Oran où les petits-fils d’Espagne étaient nés et avaient grandi ; à Alger qui accueillait majoritairement les Français et dans les boutiques et les cafés de la juive Constantine. Franck Parker avait traîné sa carcasse en chaque lieu où un homme se sentait issu de ce pays de sable et de roches, en bordure d’une mer où il faisait si bon vivre.
Tellement bon vivre, que le nouveau propriétaire d’une petite orangeraie et ses enfants cavalaient joyeusement sur la plage après un cerf-volant, tandis que son épouse apprenait à jouer les starlettes en deux-pièces rouge. Aucun d’eux ne se rendait compte que la colère grondait et enflait dans les rues de Constantine. Cette douceur de vivre des environs d’Alger avait séduit ces jeunes mariés français de souche. Hier pauvres, aujourd’hui modestement aisés, ils contemplaient la ferme qu’ils s’apprêtaient à reprendre. La terre était bonne à travailler et rapporterait, même si pour cela ils baisseraient chaque jour les yeux, pour éviter de croiser le regard des paysans arabes qui, eux, s’essoufflaient à labourer une terre stérile et rancunière, avec pour seul aide un âne fourbu. Tellement bon vivre enfin à Oran, dans la chaude lumière du soir et l’odeur du thé à la menthe, quand le rire des filles, voilées ou non, faisait battre le cœur des hommes, mariés ou non.
Les uns s’offraient une nouvelle vie, et découvraient les joies simples ou fastueuses de cet eldorado méditerranéen ; les autres crevaient en arpentant leur terre dérobée et arrachée contre des promesses qu’ils n’avaient jamais vues se réaliser. Mais où qu’ils soient nés, ici ou ailleurs, tous ignoraient qu’un peu plus bas vers le Sud, leur avenir était en train de se dessiner, endeuillé et sanglant. Et de cette douceur de vivre, bientôt, Franck Parker en était d’ores et déjà convaincu, il ne resterait que de tristes et noirs souvenirs. Car la révolte montait, et l’on pariait déjà que les frères d’hier seraient les ennemis de demain.
Mais Parker s’en foutait.
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