Laurence Kiehl - La Masculine
Elle s’énervait, tonitruante, comme si ma patronne nous avait tiré une balle dans les chevilles.
- La barbe, ta patronne ! Elle est conne-ectée* ! Conne-ectée, je te répète ! Comprends-tu ?
*Raccordée à la connerie
Soudain une coulée de femme absolument silencieuses se répandait à l’embouchure d’une intersection de rues. Elles avançaient, munies de leurs bêches, s’acheminaient en gerbes vers la place sacrée.
Je repensais aux réflexions de Maman, convaincue que l’existence humaine, privée de masculines se tournerait en une infirmité dégoûtante, en une blessure maudite.
Par trouille ou par nécessité, telle une recommandation d'hygiène, la langue française avait su se défaire de la sanie masculine. Notre langue s'était entièrement féminisée par une chirurgie lexicale invasive. Elle se disait unisexuelle.
Affublées de ces bizarreries, nos dirigeantes invisibles déployaient leur gouaille sur les ondes et en somme, ces princesses-là, virulentes et railleuses, nous charmaient journellement les ouïes !
Et les hommes, eux, ne sont-ils pas faits comme des rats? Ne sont-ils pas comme des rongeurs coincés dans un piège dont ils ne peuvent se sortir?
Dans les péripéties très sombres de l'existence, la maladie meurtrière avait démoli la santé de la moitié de l'espèce humaine.