Mais Manu a retrouvé son caractère de boxeur mouché. Ce détestable tempérament de chien fou qui lui avait fait prendre d'effroyables décisions, au cours de ses mandats, et lui avait fourni l'inspiration de ses pires répliques : "qu'ils viennent me chercher", "les bras m'en tombent", ça m'en touche une sans faire bouger l'autre", comme c'est croquignolesque", il suffit de traverser la rue", "je ne cèderai rien aux fainéants", "les gens qui ne sont rien coûtent un pognon de dingue", "nation de procureur", "Gaulois réfractaires", "nous sommes en guerre", "je les emmerderais jusqu'au bout". le président tape du pied : il veut retrouver son trône républicain et régner en bon jupitérien qu'il est.
Lorsque les images d'un palais de l'Élysée complètement saccagé se mettent à circuler, Manu est tout de même puissamment saisi. Stan en profite pour déployer l'argument imparable, rusant avec le président comme on agit auprès d'un enfant quand on en a marre de négocier : avec un bonbon. "Déconne pas, Manu, c'est à la France que tu fais de la peine. Pense à Charles de Gaulle en exil à Londres. Viens, Manu, c'est ton destin." L'héroïsme est un bonbon qui a bon goût.
Car se sont bien des réfugiés climatiques qui débarquent. Et comme n'importe quels réfugiés, ils ne commencent pas par demander l'asile à un pays étranger. Non, leur intention première est de chercher un nouvel abri au plus proche. Ils ont dû quitter leur voiture, leur maison, leur foyer, leur travail, leur camion. Ils sont trempés, cherchent un refuge, sont épuisés. Quelques-uns pleurent. Beaucoup n'ont plus ni larmes, ni énergie. Certains se sont composé un sac où ils ont fourré, sans vraiment réfléchir, ce qui leur passé sous la main. Les papiers, le téléphone, de l'argent, un biberon, un paquet de biscuits, des serviettes hygiéniques, une couverture, un bouquin, une lampe, un chargeur, une bouteille d'eau, un rouleau de PQ... Il y a des familles. Il y a des enfants. Ils veulent dormir. Ils veulent manger. Ils veulent se sécher.