C'est comme ça depuis le début de son propre film. Delon vit en accéléré; il s'enthousiasme dans la vitesse, se sublime dans le mouvement, s'apaise dans l'agitation, se réfugie dans la précipitation.
"Il était mort vingt-sept fois à l’écran. Quasiment un tiers de sa filmographie. De la balle dans le dos dans Quand la femme s’en mêle au revolver dans la bouche de Trois hommes à abattre, il s’était effondré à chaque fois avec la grâce d’un matador. Une dernière danse dans le sifflement des balles (...) La fin tragique de ses personnages portait l’illusion que la mort était un coup bref, violent, presque indolore. Une charge héroïque. Il avait fini par ériger l’acte de mourir au rang d’art, comme d’autres se spécialisent dans la romance ou la cascade, ignorant que dans la coulisse, le destin lui préparait un de ces sortilèges qu’il réserve aux célébrités dans leur rapport intime avec l’immortalité ; dans le film de sa vie, Delon n’en finit plus de survivre. Il avait tout connu, conquis, possédé, vécu, éprouvé, épuisé, perdu et désormais, en exil du présent, les heures à venir peuvent lui sembler tout aussi longues qu’une journée d’hiver à Sainte-Hélène. "