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Citation de Charybde2


C’est le dernier jour, le dernier jour de l’année. Tu ne sais pas laquelle. Tu n’as pas de calendrier sous les yeux ni à portée de mains. Tu n’as jamais voulu en avoir au long des six années que tu as vécu ici. Déjà, de l’autre côté, le temps ne te préoccupait pas, il passait presque sans toi. Du moins c’est ce que tu voulais croire.
Le temps te rattrape. Il te retire de l’éternité. Si quelqu’un pouvait te voir, il penserait sûrement que tu n’en souffres pas et que cela n’a pas l’air de te surprendre non plus. Au long de ces six années passées ici, bientôt sept, tu as appris à ne plus être surprise, tu as refusé l’étonnement. Ce n’était pas un choix. Cela ressemblait à une nécessité. Comme celle de manger ou de dormir. Tu n’as jamais eu tellement faim et tu as toujours très mal dormi. Comme si ton appétit et ton sommeil dépendaient de cette nécessité que tu essaies maintenant de saisir un peu honnêtement, sans vouloir te réfugier dans une autre illusion. Comme s’il y en avait d’autres. Comme si l’illusion de l’éternité ne les contenait pas toutes.
C’est le dernier jour de l’année. Tu le sais grâce au journal que tu tiens depuis ton arrivée ici. Ce journal que tu laisseras à ton départ comme une trace de toi-même te permet de compter les jours depuis la fête où chacun s’embrasse en se souhaitant de jolies choses pour toutes les nouvelles journées à venir. Une autre fête, la septième depuis que tu es ici, se déroulera ce soir dans la grande salle, la salle des occasions. Changer d’année est une occasion ici. Une occasion pour faire semblant d’être vivant et ressembler un peu aux autres qui pensent l’être toujours parce qu’ils croient être continûment de l’autre côté. Comme si l’autre côté était immuable et qu’il était définitivement protégé de toutes les menaces d’anéantissement que peuvent avoir en eux les esprits dérangés. Imiter les vivants n’insuffle pas la vie et faire en sorte de leur ressembler en tout point le dernier jour de l’année, comme à Noël, comme à chaque anniversaire, la caricature jusqu’au grotesque. Un sans-tête a toujours l’air d’un sans-tête. Rien ne peut l’extraire de sa présence fantomatique. Qu’il soit déguisé en gai-luron, qu’il déballe un cadeau ou souffle des bougies, il erre toujours en lui-même. Un nouveau simulacre de fête aura lieu ce soir dans la salle des occasions malgré cette évidence.
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