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EAN : 9782490251568
132 pages
Editions du Canoë (04/03/2022)
3.75/5   2 notes
Résumé :
Le narrateur s'adresse à une jeune femme qui vient de se donner la mort après avoir été internée dans un hôpital psychiatrique pendant sept ans. Il a lu le journal qu'elle a laissé, ce PORTRAIT D'UNE FILLE QUI NE SE RESSEMBLE PLUS, et imagine sa vie après sa lecture : l'univers de l'institution psychiatrique, une infirmière, Nadine, de laquelle elle était proche, des patients qui étaient aussi des amis, Brigitte, Abderhamane, Yves, l'amoureux contrarié qui ressemble... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La belle tentative poétique et acérée de reconstruction d'une vie à partir du journal absent de six années d'internement psychiatrique.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/01/22/note-de-lecture-portrait-dune-fille-qui-ne-se-ressemble-plus-laurent-georjin/

Une jeune femme. Internée pendant six ans dans un hôpital psychiatrique. Son suicide final, à la préparation annoncée dès les toutes premières pages. Son journal intime, racontant ces années, le quotidien de l'hôpital, les patients et les infirmiers, comme, par bribes à reconstruire, le cheminement qui l'a conduite ici.

Mais ce journal, nous ne le lirons pas. C'est le narrateur qui nous en transmet sa propre lecture, sa propre envie, son propre constat. Sa propre compréhension : formidable narration lacunaire au filtre indéterminé, à la fiabilité douteuse mais assurément empathique. Palimpseste devenant de plus en plus poétique au fil des pages, lorsque les suppositions apparentes doivent tenter de combler les oublis du journal, de raccorder les fils dénoués, de trouver un sens le plus complet possible aux fragments pourtant pré-agencés que nous découvrons – en essayant d'effacer, si seulement cela était réellement envisageable, les propres idiosyncrasies du narrateur – puis les nôtres.

Publié en février 2022 aux éditions du Canoë, « Portrait d'une fille qui ne se ressemble plus » est le deuxième roman de Laurent Georjin, après « Portraits en forme de nuage qui passe » (2009). Il a entretemps composé bon nombre de fictions et d'instants poétiques radiophoniques pour France Culture et pour RTBF (je vous encourage vivement à prendre le temps d'écouter son impressionnant « Dans l'odeur acide des fougères », porté par la voix de l'actrice Anne-Claire, par exemple). J'ai été largement bouleversé, dans ce « Portrait », par la manière spécifique qu'il a inventée pour rendre compte avec sensibilité, poésie inattendue et absence totale de naïveté de l'internement psychiatrique d'une jeune femme pendant six longues années. Autour d'un exercice potentiellement difficile, ou pouvant aisément verser soit dans le cliché (on se souviendra par exemple des réflexions d'Arno Bertina à propos du risque du pathos, ici) soit dans l'imagination trop désincarnée, il me semble qu'il a su trouver un équilibre presque parfait, à l'intersection du poignant et du cruel, du paradoxalement beau et du cinglant de la réalité. Comme le dit fort joliment Dominique Panchèvre (ici), la méthode rusée choisie par Laurent Georjin pour ce travail de mémoire insolite « laisse au lecteur un immense espace d'imagination pour se fabriquer son propre livre ».
Lien : https://charybde2.wordpress...
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L'OBS
PORTRAIT D'UNE FILLE QUI NE SE RESSEMBLE PLUS
PAR LAURENT GEORJIN
Editions du Canoë, 132 p., 15 euros
Pour qui ne sait pas bien composer avec la brutalité des relations humaines, l'hôpital psychiatrique est un refuge et la possibilité d'un repos pour l'âme. Dans sa lettre à une suicidée, l'auteur retrace la courte vie de la défunte, et ce qui l'a menée à préférer au commerce des hommes une chambre à soi en HP et l'affection sans heurts d'une infirmière. le retour à une existence "normale" et l'espoir d'une vie neuve sont de courte durée pour cet esprit songeur et trop sentimental, pressé de "s'en aller dans la nuit". Un beau texte sur les blessures intérieures.
ANNE CRIGNON
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
C’est le dernier jour, le dernier jour de l’année. Tu ne sais pas laquelle. Tu n’as pas de calendrier sous les yeux ni à portée de mains. Tu n’as jamais voulu en avoir au long des six années que tu as vécu ici. Déjà, de l’autre côté, le temps ne te préoccupait pas, il passait presque sans toi. Du moins c’est ce que tu voulais croire.
Le temps te rattrape. Il te retire de l’éternité. Si quelqu’un pouvait te voir, il penserait sûrement que tu n’en souffres pas et que cela n’a pas l’air de te surprendre non plus. Au long de ces six années passées ici, bientôt sept, tu as appris à ne plus être surprise, tu as refusé l’étonnement. Ce n’était pas un choix. Cela ressemblait à une nécessité. Comme celle de manger ou de dormir. Tu n’as jamais eu tellement faim et tu as toujours très mal dormi. Comme si ton appétit et ton sommeil dépendaient de cette nécessité que tu essaies maintenant de saisir un peu honnêtement, sans vouloir te réfugier dans une autre illusion. Comme s’il y en avait d’autres. Comme si l’illusion de l’éternité ne les contenait pas toutes.
C’est le dernier jour de l’année. Tu le sais grâce au journal que tu tiens depuis ton arrivée ici. Ce journal que tu laisseras à ton départ comme une trace de toi-même te permet de compter les jours depuis la fête où chacun s’embrasse en se souhaitant de jolies choses pour toutes les nouvelles journées à venir. Une autre fête, la septième depuis que tu es ici, se déroulera ce soir dans la grande salle, la salle des occasions. Changer d’année est une occasion ici. Une occasion pour faire semblant d’être vivant et ressembler un peu aux autres qui pensent l’être toujours parce qu’ils croient être continûment de l’autre côté. Comme si l’autre côté était immuable et qu’il était définitivement protégé de toutes les menaces d’anéantissement que peuvent avoir en eux les esprits dérangés. Imiter les vivants n’insuffle pas la vie et faire en sorte de leur ressembler en tout point le dernier jour de l’année, comme à Noël, comme à chaque anniversaire, la caricature jusqu’au grotesque. Un sans-tête a toujours l’air d’un sans-tête. Rien ne peut l’extraire de sa présence fantomatique. Qu’il soit déguisé en gai-luron, qu’il déballe un cadeau ou souffle des bougies, il erre toujours en lui-même. Un nouveau simulacre de fête aura lieu ce soir dans la salle des occasions malgré cette évidence.
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Alors voilà, ta vérité est là, indéniable et elle te fait face comme un
ennemi courageux. Tu ne cherches pas à détourner les yeux, acceptes
de la regarder sans la craindre, calmement, non pas comme si elle
n’était rien, non, mais comme une évidence qui ne serait pas plus
dramatique qu’une autre. Cela te demande un effort considérable qui
pourrait te mettre à terre. Tu as envie de pleurer, de crier, de griffer le
papier peint qui recouvre les murs du bureau avec tes ongles ou de le
déchirer avec tes dents. Tu aurais ressemblé à une folle, une cinglée,
une tarée si tu avais pleuré, crié, griffé ou déchiré les murs. Ce n’est
pas à une folle que tu ressembles, non, vraiment pas, même si tu es à
deux doigts de le paraître à certains moments. Mais personne, ici, ne
s’y trompe. Tout le monde sait que tu oscilles sans cesse entre une
présence chaleureuse, ouverte à l’autre et une perte de toi-même
parfois abyssale - oui, abyssale, le mot, dans le vocabulaire du
nouveau psychiatre, n’est pas trop fort. C’est un fait devenu
indiscutable, une vérité, la tienne.

PORTRAIT D'UNE FILLE QUI NE SE RESSEMBLE PLUS
LAURENT GEORJIN
ÉDITIONS DU CANOË
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Voilà. Tu attends la nuit. Tu regardes le ciel qui s’obscurcit à travers la fenêtre de ta chambre. Tu ne sais pas quel mot achèvera ton journal. Tu ne veux pas qu’il finisse par une phrase mais par un mot seul. Tu ne le connais pas. Nombreux sont ceux qui pourraient convenir ! C’est comme avoir du mal à interrompre une conversation au téléphone avec quelqu’un que l’on aime. Amour. C’est bien, amour. Amour.
La nuit sera déjà épaisse quand tu partiras. Tu courras dans l’obscurité, au moins dans les premiers mètres de l’allée, pour ne pas être repérée. Une infirmière pourrait regarder au-dehors en passant devant les fenêtres de la salle des occasions. Il y a toujours une infirmière qui jette un œil à travers les fenêtres, de jour comme de nuit, au moment où les sans-têtes ne s’y attendent pas. Aucune ne te verra ce soir. Aucune ne te poursuivra. Ce soir, le dernier de ton existence, ta liberté te donnera des ailes et te rendra invisible pour toujours. Enfin, parfaitement confondue à ta vérité, à ce que tu as pris pour telle, tu ne te ressembleras plus.
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Avant de lui donner, tu prépares ton départ. Tu ranges tes affaires dans l’armoire. Tu réécris aussi partiellement la lettre que tu as choisi de laisser comme une prière aux autres et tu la mets en évidence sur le rebord de la fenêtre de ta chambre. Tu as vu cela dans un film qui raconte l’histoire d’une écrivaine anglaise poussée, à cause des voix qu’elle entend dans sa tête, à mettre fin à ses jours en se noyant dans une rivière. Tu as su immédiatement que tu lui ressemblais profondément même si tu n’entendais aucune voix. Tu as su que tu avais aussi en toi le geste qu’elle commet face à elle-même dans le respect de la vie qu’elle ne veut pas, sa raison devenue trop fragile, abîmer.
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