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Critiques de Laurent Gerbier (90)
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Discours de la servitude volontaire

Je n'avais jamais lu ce classique de l'histoire des idées, c'est chose faite. Ce petit livre est très marqué par son époque dans son style d'écriture, mais le propos n'a pas pris une ride. Concernant le style, Étienne de la Boétie s'adresse à son lecteur presque comme au cours d'une conversation : il multiplie les exemples, digresse, revient à un argument déjà évoqué, au point que ces détours rendent la structure de l'ouvrage difficile à appréhender. Non que cela rende la lecture déplaisante ou le propos obscur, mais on est loin d'une démonstration au sens propre du terme. Une autre marque de l'époque, propre à sa culture dominante, est le recours systématique à des exemples tirés de l'Antiquité. De nombreux commentateurs ont remarqué que cela permettait également à l'auteur de s'éviter les foudres de ceux de ses contemporains qu'il visait plus ou moins directement.



Le Discours de la serviture volontaire est un grand texte, écrit par un tout jeune homme qui y fait preuve d'une étonnante maturité. Si je peux me permettre un conseil (de lecture), il sera utilement complété par Lune noire, petit livre de John Steinbeck qui me semble illustrer parfaitement le propos de La Boétie, quelques quatre cents ans plus tard.

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Discours de la servitude volontaire

La Boétie nous renvoie à la figure la responsabilité de la propagation de la tyrannie, par degrés, de la participation au premier cercle autour du tyran jusqu'à la banale servitude volontaire.

Enfin s'il n'est pas recommandé de fomenter la mort du tyran, le simple acte de désobéissance civile n'est pas sans conséquences. La longue introduction de la présente édition du Discours de la Boétie rappelle le contexte de la révolte des paysans contre la perception de la gabelle et la terrible répression qui s'en est suivie.

Mais l'idée est là, c'est la révolution non violente. Elle est déjà assez audacieuse pour que son ami Montaigne craigne et s'abstienne de publier le manuscrit à la mort de La Boétie. Heureusement d'autres s'en chargeront.

La désobéissance, dans le contexte qui nous intéresse, est une question de dignité. Un autre texte prolonge le Discours de La Boétie en soulignant ce moment particulier où quiconque ressent nécessairement l'humiliation. Mais passé ce cap, on peut s'attendre au pire de celui ou celle qui en prendra le parti.

L'actualité de tel personnage de l'extrême droite qui arrive ou approche du pouvoir, montre qu'il y a un problème de discernement. Je suis toujours frappé par cette phrase complice, à la clé de la propagation de la peste brune : « j'ai des amis qui ont des bonnes raisons pour voter pour un tel personnage ».

Alors, à ceux qui ne voient pas le rapport entre les menaces actuelles des nouvelles formes de fascisme et l'histoire récente, à quoi bon citer La Boétie avec ses histoires de tyrans sortis de l'antiquité ?

Il reste que le courage des héros des Lumières est aussi capable d'enclencher l'enthousiasme de proche en proche, pour remonter la pente et sortir des nouvelles formes de servitude volontaire.
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Discours de la servitude volontaire

Le discours de la servitude volontaire est un texte court mais brillant, rédigé par un jeune homme d'environs dix-huit ans. Encore aujourd'hui il a gardé toute sa saveur subversive.

Il décrypte les mécanismes qui amènent une population à se laisser dominer par un seul homme, en appuyant sa thèse par des exemples historiques bien loin de la réalité française de son époque afin d'éviter quelques soucis.





Il affirme que c'est le peuple qui accepte de lui-même de se soumettre à un tyran, pourtant sans son consentement le tyran ne serait rien.



Il dénombre trois sortes de tyrans :



1° cas : Le tyran choisi par le peuple.

Le peuple étant né sous la dictature du tyran, cela lui paraît évident puisqu'il en a toujours été ainsi depuis sa naissance. Ça lui semblera normal de vivre de cette façon avec si peu de liberté. « On ne regrette jamais ce que l'on n'a jamais eu » comme le dit la Boétie. Le tyran peut aussi prétendre que son pouvoir d'accéder au trône provient de droit divin, ce qui lui confère une aura quasi sacrée. Le peuple crédule alors n'osera pas le contredire. C'est pour ces deux raisons que la monarchie absolue a durée aussi longtemps en France.





2° cas : Le tyran utilisant la force des armes.

Le peuple a une fâcheuse tendance à oublier assez vite la liberté qu'il avait avant le tyran, et avec elle s'en va la vaillance et le courage. Il se laisse ainsi aller aux nouvelles coutumes.

Pour encore mieux endormir et abêtir la masse, le tyran est capable de construire des bordels, des tavernes, des théâtres et toutes sortes de loisirs dans lesquels le peuple pourra oublier pour un moment sa condition. Une forme d'opium du peuple en quelque sorte.



Le tyran est souvent soutenu par quelques personnes attirés par la lumière, quatre ou cinq personnes maximum, qui sont voués aux basses besognes. Ces sbires, entre eux, se craignent car il ne peut y avoir d'amitié dans la cruauté et dans les interstices du pouvoir. Ceux-ci feront tout pour plaire à leur tyran bien qu'ils en aient aussi très peur car il a droit de vie ou de mort sur eux. Mais ces quatre ou cinq personnes ont sous leurs ordres au moins six cents hommes qui contrôlent les différentes régions du territoire, et ces six cents possèdent six milles soldats. Tous ces gens-là sont uniquement appâtés par l'argent et un semblant de pouvoir. C'est un fil d'Ariane qu'on ne cesse de dérouler sans jamais parvenir à en voir le bout.



Bien sûr, le tyran, entouré d'un tas de courtisans prend bien garde de les tenir les uns par les autres pour éviter tout complot.





3° cas : Le tyran par succession de famille.

Celui-ci rejoint les deux cas précédents dans la perpétuation filiale de la tyrannie.





C'est un texte fondateur et précurseur de la résistance passive, un texte que l'on peut ranger à côté de la « Désobéissance civile » de Thoreau.
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Discours de la servitude volontaire

Petit essai qui décortique en quelques pages les mécanismes qui font qu'un peuple reste sous le joug d'un tyran sans se révolter. Tout d'abord, l'habitude : si le passage de la liberté à la servitude est dure à vivre, les gens qui naissent esclaves ne peuvent pas regretter ce qu'ils ne connaissent pas. Les divertissements et les quelques largesses que distribuent le tyran rendent les gens plus disposés à se soumettre, pourvu qu'on continue à les amuser. Et enfin, une structure de soumission pyramidal, qui encourage les citoyens à rentrer dans le système en espérant grappiller quelques miettes de richesse plutôt que de tout risquer pour défendre leur liberté.
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Discours de la servitude volontaire

Depuis l’Antiquité et même depuis la nuit des temps, certains êtres, mégalomanes, psychorigides, pervers narcissiques, sociopathes et autres se sont institués tyrans de leurs tribus ou de leurs peuples. Comment ces derniers ont-ils accepté et même recherché cette domination ? Et pourquoi, en échange d’une sécurité illusoire sont-ils satisfaits de vivre soumis et ne craignent-ils pas de perdre leur bien le plus précieux, leur liberté ? Chez l’humain, l’instinct grégaire est si prégnant que s’il imagine qu’une majorité de ses concitoyens se comporte d’une certaine façon, il doit s’y conformer pour ne pas être rejeté par le troupeau. Ainsi nos maîtres n’ont-ils de pouvoir que celui que nous voulons bien leur accorder. Si tous les pouvoirs sont réunis dans les mains d’un seul individu, il doit cependant disposer d’une sorte de garde rapprochée, généralement composée de quelques personnes viles et corrompues, pour diffuser ses ordres. Ce premier cercle passe le relais à un second d’aussi médiocre qualité, mais qui représente quelques dizaines de personne. Et le processus se poursuit avec un troisième cercle plus étendu, puis avec un quatrième, un cinquième, etc. Sans tout ce réseau de connivence et de complicité, rien ne fonctionnerait. Le tyran sait que tout le monde le déteste, mais que, tant que le peuple reste consentant, sa domination est assurée.

Ecrit en 1546 ou 1548 par un jeune étudiant en droit ami de Montaigne, « Discours de la servitude volontaire » est un essai socio-politique majeur qui étonne par son intemporalité et sa modernité. Les découvertes de Bernays et autres sur la fabrique du consentement, sur la manipulation des foules (Le Bon) et sur les techniques de propagande ne feront que confirmer ce « discours » d’une étonnante sagesse et d’une remarquable finesse d’observation. L’auteur ne fait pas référence à son époque troublée (guerres de religion), mais à l’histoire en général et à l’Antiquité romaine qu’il connait particulièrement bien. Il cite, entre autres, les cas de Néron et Jules César qui finirent plutôt mal, mais qui, paradoxalement, furent très regrettés par le peuple. À croire que ce dernier était et est toujours un peu maso ! La « traductrice », c’est-à-dire l’adaptatrice, Séverine Auffret, ayant parfaitement su transposer ce texte essentiel en français moderne, contrairement à des versions plus anciennes, le résultat obtenu permet une lecture aisée et parfaitement compréhensible que l’on ne peut que conseiller à qui veut mieux comprendre notre époque, aussi étrange que cela puisse paraître !
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Discours de la servitude volontaire

Ce livre fut écrit il y a cinq siècles. Pourtant, chez tous ceux pour qui le mot Liberté a encore du sens et qui accessoirement savent lire, son actualité s'impose cruellement. Car si la domination a changé de visage, il reste que: « Toujours s'en trouvent-ils quelques-uns qui sentent le poids du joug et ne peuvent tenir de le secouer ; qui ne s'apprivoisent jamais de la sujétion et qui toujours ne se peuvent tenir d'aviser à leurs naturels privilèges ; ce sont volontiers ceux-là qui, ayant l'entendement net et l'esprit clairvoyant, ne se contentent pas de regarder ce qui est devant leurs pieds ; ce sont ceux qui, ayant la tête d'eux-mêmes bien faite, l'ont encore polie par l'étude et la connaissance.

Ceux-là, quand la liberté serait entièrement perdue et toute hors du monde, l'imaginent et la sentent en leur esprit, et encore la savourent, et la servitude ne leur est de goût, pour tant bien qu'on l'accoutre. »

Quelques-uns trouveront donc dans ce livre un précieux soutien ...

D'autres qui n'imaginent ni ne sentent plus rien n'y verront probablement qu'une relique du passé.

Avec les siècles, la servitude volontaire a donc changé de nombreuses fois de formes et de visages ainsi, bien sur, que la domination qui l’accompagne comme son ombre. Ainsi, à la Théologie, qui prétendait justifier les structures hiérarchiques du temps de La Boétie, s’est progressivement substitué l’Économie politique, comme pseudoscience, comme gestion des affaires humaines, comme nouvelle religion encore plus aliénante.

A la liberté des êtres humains, demeurant pour leur plus grande part dans l’asservissement, s’est substituée la liberté du Marché s’avançant le plus souvent masquée sous la rassurante appellation de libéralisme ou, plus drôle encore, de socialisme.

Dans notre belle modernité, loin de nous libérer de l’État, le Marché s’est intimement associé à celui-ci dans une subtile répartition des taches ; à l’État les fonctions régaliennes, police, répression, surveillance, défense des intérêts des possédants ; au Marché, la savante organisation de la dépossession du plus grand nombre au profit d’une poignée de mafieux à l’avidité sans limites. L’interpénétration entre les structures étatiques à leur sommet et les gestionnaires du capital étant désormais presque totale et quelques soient les gouvernements en place. Pour couronner le tout, c’est le plus souvent dans un système annoncé comme « démocratique » que se déploie ce « meilleur des mondes ». Seuls quelques mauvais esprits remarqueront que cette démocratie là, a littéralement été vidée de toute substance ; qu’à la place de citoyens ne demeurent que des spectateurs, ridiculement réduits à l’impuissance et que, comble d’humiliation, on culpabilisera devant leur manque d’enthousiasme à voter bleu ou rose.



C’est à l’aune de cette réalité là qu’il faut relire La Boétie et s’interroger sur Notre servitude volontaire.
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Discours de la servitude volontaire

Ce cours texte écrit par LA BOETIE à l'âge de 18 ans (alors qu'il n'était encore ni magistrat au Parlement de Bordeaux, ni ami avec Montaigne) frappe le lecteur moderne pour plusieurs raisons.

D'abord et en premier lieu pour son propos subversif et sa défense de la liberté qu'il place en tête de toutes les valeurs pour lesquelles on peut risquer sa vie.

Fortement indigné par l'instauration d'un impot sur le sel, la gabelle, qui ruine les petits producteurs, et par la répression royale face à la révolte populaire, il condamne la servitude à laquelle les hommes consentent ce qui mène les tyrans à diriger le monde.et ce brûlot laisse dans son sillage un petit goût d'anarchisme.

Mais un second degré de lecture conduit à réfléchir sur ce qui fait accepter aux hommes les contraintes extérieures liées aux autorités diverses qui les régissent et que la domination peut prendre bien des visages

Ce texte présenté dans les lycées est propre à susciter des réflexions salutaires et notamment sur le niveau des étudiants. Quel jeune de 18 ans peut se vanter de nos jours de posséder une culture gréco-latine comparable à cette du jeune LA BOETIE ?

Avant de poursuivre votre réforme contestée,Mme NAJAT VALAUD.BELKACEM refléchissez bien et surtout plongez-vous dans la littérature antique et vous verrez qu'elle structure notre socièté et que ses idées et concept sont porteurs de NOTRE AVENIR.
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Discours de la servitude volontaire

Excellent petit pamphlet libertarien, j'apprécie tout particulièrement la description de ceux qui collaborent avec le régime, appelés, avec beaucoup de justesse "les Mange-Peuple". Ses analyses selon lesquelles on ne perd pas une liberté, mais on gagne une servitude à laquelle on s'habitue vite et que l'on finit par aimer, sont d'une pertinence percutante.
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Discours de la servitude volontaire

Dans son célèbre discours sur la servitude volontaire, La Boétie, qui n’a alors que 18 ans, s’interroge sur les raisons qui amènent les hommes à se soumettre à un tyran, et ensuite à rester volontairement à son service.

Le désir de liberté des hommes est effectivement engourdi, par les plaisirs que la société lui offre, par les facilités qu’elle lui procure, et par la religion.



C'est encore d'actualité, plus que jamais. Au vingtième siècle, les idéologies ont remplacé largement la religion pour ce qui est de maintenir les hommes en servitude (communisme, capitalisme). Au vingt-et-unième siècle, les idéologies perdent de leur influence et sont remplacées par des formes plus subtiles de manipulation sans doute. La prolifération des phénomènes de burn-out, d’épuisement professionnel montre bien que des individus ont su s’anéantir, volontairement semble-t-il, pour se livrer corps et âme à leur travail. On leur a proposé une mission qui dépassait largement leurs seules possibilités en leur faisant miroiter que tout reposait entre leurs mains. Et la servitude devient encore plus volontaire… La part de moi qui est adulte se méfie de ce contrat qui me laisse totalement le champ libre, la part d’enfant en moi apprécie ce sauf-conduit pour la toute puissance. Et je tombe dans le panneau.

Pour justifier une charge de travail manifestement excessive, un de mes managers m’a une fois sorti cette phrase hallucinante : « dans ton précédent service, on te fouettait comme un âne mort, mais tu vois maintenant on te cravache comme un cheval de course, c’est dire si on croit en toi ». Cela résume bien la situation actuelle.





La Boétie l’avait vu aussi, les esprits les plus libres ne se laissent pas asservir par les distractions et les plaisirs mais par cupidité et désir d’honneur. Bref par le besoin de reconnaissance, ce qui reste d’actualité. D’où la question à se poser :

Est-ce que mon besoin de reconnaissance me transforme en courtisan ? De fait, le courtisan est encore moins libre que l’homme du peuple puisqu’il doit non seulement servir le tyran, mais également le côtoyer et d’autant plus penser comme lui.

Nous avons une chance énorme, dans nos sociétés démocratiques, que le pouvoir soit très peu exercé par la répression, il ne tient donc qu’à rejeter la servitude volontaire, pour ceux qui le souhaitent, à l’accepter pour ceux qui la convoitent et à choisir le juste milieu pour ceux qui se sentent capables de marcher au bord du gouffre.





Si l’on pouvait écrire chaque jour un journal de ses libérations et de ses soumissions... Il est important que la balance penche du côté de la libération, mais la route est semée d’embuches et nécessite parfois quelques compromis pourvu qu’ils ne mènent pas à passer outre son éthique.

Et quand on ne cherche pas le pouvoir mais changer le système, la soumission au système est parfois nécessaire pour changer les choses de l’intérieur. C’est trop facile de dénoncer le système, de se situer à l’extérieur, parfois d’en profiter un peu ou même beaucoup et de s’en laver les mains en le dénonçant d’un bloc.

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Discours de la servitude volontaire

L’histoire des peuples est un perpétuel recommencement. Qui eut cru que de telles réflexions écrites il y a près de 500 ans allaient trouver un tel écho aujourd’hui?

Étienne de la Boétie démonte les mécanismes d’asservissement des peuples qui curieusement se livrent volontairement à la tyrannie d’un seul par lâcheté et par aveuglement. Autrement dit les hommes sont complices de la dictature dont ils sont les victimes comme dans “ Soumission “ de Houellebecq.

Cependant on pourrait répondre à La Boétie que ,même avec du courage ,il n’est pas facile d’empêcher “ un tyran” de nuire car il a construit autour de lui un système tellement verrouillé qu’un individu seul ne peut le combattre. ( cf les dictatures du XX ème siècle) . Et aujourd’hui il y a aussi d’autres formes de tyrannie tout aussi pernicieuses.
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Discours de la servitude volontaire

Il y a le sujet, bien sûr, cette belle étape, cette page magnifique dans le grand livre de la construction par l'esprit humain d'un humanisme universel, cette dénonciation de la tyrannie, pathologie du lien politique et social, avec une lucidité qui en fait un texte incroyablement prescient et moderne, aux prolongements multiples dans des domaines aussi variés que la sociologie, la science politique, la psychologie etc.

Il y a cet auteur, génie fascinant, mort bien trop tôt, qui écrivit ce texte alors qu'il n'était probablement âgé que de seize ou dix-sept ans, qui réussit le prodige d'avoir formulé cet hymne à la liberté en plein coeur du XVIème siècle.

Et puis il y a cette langue, langue ancienne et exigeante bien sûr mais aussi riche et truculente, par laquelle cet esprit brillant, supérieur, nous transmet par sa poésie, même au travers des siècles, des vérités éternelles.

Trois exemples au hasard ?

L'autoportrait en relief : « l'ardeur de la franchise fait mépriser le péril »

puis en creux : « les gens asservis (…) perdent (…) la vivacité et ont le coeur bas et mol, et incapable de toute chose grande. »

Et enfin, la dénonciation mordante, acérée, limpide et implacable d’un effet collatéral de la tyrannie : « (...) dès lors qu'un roi s'est déclaré tyran, tout le mauvais, toute la lie du Royaume, je ne dis pas un tas de larronneaux et essorillés qui ne peuvent guère en une république faire mal ni bien, mais ceux qui sont tachés d'une ardente ambition et d'une notable avarice, s'amassent autour de lui et le soutiennent pour avoir part au butin et être, sous le grand tyran, tyranneaux eux-mêmes. »

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Discours de la servitude volontaire

Quelle lucidité chez cet "honnête homme"! et quelle modernité ! En le lisant j'avais en tête tous les dictateurs des XX° et XXI° siècles qui défilaient. Je repensais à La dernière nuit du Raïs et me disais qu'il y a près de cinq cents ans, Etienne de la Boétie avait déjà tout compris. Les Allemands de la RDA l'avaient-ils lu en 1989? Un texte court mais intense. Il pioche ses exemples dans l'histoire romaine en véritable homme de la Renaissance mais on peut assez facilement leur substituer des exemples plus récents.

A faire lire dans toutes les dictatures, démocratures et démocraties. Vite.
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Discours de la servitude volontaire

Excellent ! Je me suis régalé à lire cet opuscule qui était passé entre mes griffes. C'est surprenant, qu'un essai politique aussi "vieux" puisse être aussi pertinent de nos jours, pour peu qu'on adapte légèrement le discours à nos problématiques contemporaines.





Du point de vue des idées, ce livre n'a rien à envier aux anarchistes de notre époque. Quant à l'écriture, elle est proprement jouissive (dans sa traduction récente), avec des tournures de phrases bien senties et des moments de foutage de gueule particulièrement réjouissants : je pense au passage faussement laudateur à l'égard du royaume de France. Bref, un classique et un indispensable !
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Discours de la servitude volontaire

Ce discours permet une réflexion sur les causes de la tyrannie. Par la définition de la tyrannie, La Boétie en vient à se demander comment cela ce fait-il que tout un peuple en vient à se soumettre à une seule personne bien que ces derniers souffrent. Il pense alors à une servitude volontaire. C'est par manque de volonté qu'un peuple ne se révolte pas selon lui. Du moins, c'est plus précis. Si la nature de l'humain est la liberté, son éducation et le contexte fait que certains humains sont dénaturés et ne désirent plus forcément la liberté. Pourtant pour ne plus être sous le joug du tyran, il faudrait tout simplement ne plus lui obéir. Il me semble, que ses propos sont actuels, bien qu'ils peuvent être critiqués.

Ce livre est un élan vers la liberté. Même au niveau individuel, il permet de prendre conscience de ses servitudes potentielles et c'est ce genre de livre qui permet de garder ses yeux et oreilles ouvertes.
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Discours de la servitude volontaire

Découverte de cet ouvrage essentiel grâce à cette belle mise en voie :

https://www.youtube.com/watch?v=JvHpUZ_gf2A

Je tournais autour de cet ouvrage depuis un certain temps. Les textes théoriques ne font pas partie de ce que je préfère, mais des fois, il est bon de se jeter à l'eau. Le texte est fort bien dit, le propos est clair, posé et structuré. Très inspiré des Grecs et des Romains, l'auteur puise dans ce savoir pour illustrer son propos de citations, historiettes, exemples, légendes. Le propos de l'esclavagisme est transcendé et on s'y retrouve parfaitement, surtout lorsque l'auteur expose que la première cause de soumission volontaire est l'habitude. Comme tout texte profondément intelligent, le penseur nous retourne dans un sens et dans l'autre, mais à la différence de certains, ne nous fait pas perdre la tête. Certes, on tique parfois sur certains propos, mais on dira qu'ils sont d'époque et que les dépasser permet d'accéder à la profondeur du propos. Le laïus sur l'éducation avec l'exemple du chien élevé en chasseur et l'autre en domestique est éloquent. On place les deux chiens face à face, on pose une gamelle et un animal sauvage. L'un va chasser et l'autre va se sustenter docilement. Les comportements se fabriquent, dès le plus jeune âge, par l'habitude (toujours et encore), l'habitude, comme d'habitude disait le chanteur. À découvrir si l'on veut sortir un peu de notre zone de confort.
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Discours de la servitude volontaire

Pour sa taille et son contenu, ce livre mérite clairement d'être lu; notamment des jeunes lycéens. Relativement aisé dans son vocabulaire et sa structure, l'auteur (tout aussi jeune lors de la rédaction de ce "discours") tente d'expliquer en fonction de sa perception de la Nature Humaine les mécanismes guidant l'asservissement volontaire des masses.

Bien qu'on sente qu'un certain recul, le thème et le raisonnement du texte mériteraient d'être approfondis, on en termine pas moins la lecture avec l'intime conviction que, malgré son jeune âge et à cette époque, l'auteur a déjà bien cerné les rouages qui organisent (en partie donc) la hiérarchie sociale.

C'est une très bonne mise en jambe vers la Philosophie, le questionnement de l'ordre établi, que ce petit discours.
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Discours de la servitude volontaire

Ce discours paru, de façon posthume, en 1576 a été écrit vers 1546-1548 (selon Montaigne) par un jeune homme âgé de 16 à 18 ans, à l'époque où abreuvés de culture gréco-romaine les jeunes cerveaux savaient réfléchir, analyser, synthétiser, douter et critiquer (cela a bien changé depuis !).

Étienne de la Boétie (1530-1563) a écrit une œuvre majeure, d'une modernité et d'une actualité plus vraies que jamais, véritable leçon éthique et morale éternelle.

Il est à regretter que de tels textes ne soient plus ni étudiés, ni même mentionnés au cours des études de nos jeunes esprits qui gagneraient beaucoup à méditer dessus, à s'en inspirer dans le déroulé de leur vie (qu'elle soit privée ou publique) ; jeunes esprits que notre époque façonne volontiers en béotiens (i.e. Personnages lourds, peu ouverts aux lettres et aux arts, qui ont des goûts grossiers).
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Discours de la servitude volontaire

Le "Discours de la Servitude Volontaire" de Étienne de La Boétie, œuvre philosophique d'une profondeur remarquable, demeure un texte incontournable de la pensée politique. Ce traité offre une réflexion saisissante sur la nature du pouvoir et de la soumission. La Boétie n'avait il me semble que 23 ans lorsqu'il l'a écrit, impressionnant!



Dans un style éloquent, La Boétie expose la question centrale de la servitude volontaire, démontrant avec une clarté remarquable comment les peuples, par leur consentement tacite, peuvent se soumettre à des régimes tyranniques. À travers une analyse minutieuse des mécanismes de domination, l'auteur met en lumière la complicité des gouvernés dans leur propre asservissement, dévoilant ainsi les fondements psychologiques de la soumission.



Le discours de La Boétie transcende son contexte historique pour offrir une réflexion intemporelle sur les rapports de pouvoir et les dynamiques sociales. Sa pensée, d'une lucidité saisissante, résonne encore aujourd'hui dans les débats sur la liberté individuelle et la résistance à l'oppression.



Œuvre d'une rare pertinence, le "Discours de la Servitude Volontaire" continue d'exercer une influence profonde sur la pensée politique moderne, invitant les lecteurs à questionner les fondements de l'autorité et à défendre les valeurs de liberté et de dignité humaine. L'avoir étudié en classe préparatoire m'a beaucoup apporté!
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Discours de la servitude volontaire

Étienne de la Boétie (1530-1563) fait partie de ces célébrités dont la brièveté de l'existence ne leur a pas empêché de marquer l'histoire. La Boétie a vécu une vie brillante et brève comme celle d'une comète. On connaît tous ce que Montaigne disait à propos des liens d'amitié qui le liait à La Boétie : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ». Cette amitié intellectuelle et humaine s'est révélée très tôt, Montaigne est impressionné par le discours de la Boétie sur la servitude volontaire rédigé vers l'âge de 18 ans. Ce texte d'une vingtaine de pages est resté célèbre à la fois pour sa critique violente du pouvoir politique, mais aussi pour l'érudition et la profondeur de pensée dont témoigne cet adolescent. Curieusement, la citation qui résume le mieux l'oeuvre de la Boétie et qui lui est attribuée à tort a été formulée par un député girondin Pierre Vergniaud en 1792 « Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». La thèse de la Boétie est la suivante : Les gouvernants conquièrent et maintiennent leur pouvoir en entretenant la peur afin de maintenir dans la suggestion le peuple qui se soumet au pouvoir en place par la force de l'habitude et de l'éducation. D'une certaine manière le peuple est responsable de son aliénation, car il n'ose pas s'insurger contre une minorité qui organise une hiérarchie à plusieurs niveaux pour assurer sa domination. On peut dire que La Boétie a inspiré le courant philosophique de l'anarchie qui soutient que si l'homme est rationnel il n'a pas besoin de gouvernant pour gérer sa vie.



Le génie de la Boétie tient dans des idées simples, parfaitement exprimées et démontre un certain courage à une époque ou toute rébellion à l'autorité était sévèrement réprimée.



Ce texte est incontournable pour tous ceux qui s'intéressent à la politique et à la philosophie et ne représente pas un très gros effort de lecture. Toutefois je conseille de le lire dans une édition en français moderne ce qui n'est pas le cas du texte publié dans la collection Librio qui reproduit quasiment le texte du manuscrit d'origine avec les tournures de phrases et le vocabulaire du début du XVIe siècle. J'ai dû consulter souvent des dictionnaires anciens pour déchiffrer certains passages comme celui-ci : « … Lesquels pensera-l'on qui plus gaillardement iront au combat, ou ceux qui espèrent pour guerdon de leurs peines l'entretènement de leur liberté, ou ceux qui ne peuvent attendre autre loyer des coups qu'ils donnent ou qu'ils reçoivent que la servitude d'autrui ?... » (Page 11/12). Ce qui en français moderne pourrait être ainsi traduit : « Lesquels iront le plus courageusement au combat : ceux qui espèrent pour récompense le maintien de leur liberté, ou ceux qui n'attendent pour salaire des coups qu'ils donnent et qu'ils reçoivent que la servitude d'autrui ? »



Il est évident que lire le texte dans sa formulation d'origine ne présente d'intérêt que pour le lecteur qui s'intéresse à l'ancien français. Ce choix de l'éditeur est étonnant pour une collection de vulgarisation qui vise un public de lycéens ou de lecteurs qui souhaitent améliorer sa culture générale et non pas se présenter au concours d'entrée de l'école des chartes.



Le texte est complété par un discours de Benjamin Constant sur la liberté et la démocratie comparés entre l'antiquité et nos jours prononcé en 1819 et par la fable De La Fontaine « Le loup et le chien », si ce dernier texte était utile pour illustrer le propos de la Boétie, le discours de Benjamin Constant n'est là surtout que pour rajouter quelques pages à un volume très mince, mais il est vrai très bon marché (2 euros).



Si vous souhaitez lire la Discours de la servitude volontaire, orientez-vous vers une édition en français moderne complétée par un appareil critique.



Je note 4 étoiles pour l'oeuvre de la Boétie, mais je ne mettrais que 1 ou 2 étoiles pour le travail de l'éditeur.



— « Discours de la servitude volontaire », Étienne de la Boétie, Librio (2015), 73 pages.
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Discours de la servitude volontaire

Comme le titre l'indique, il s'agit d'un essai sur la "servitude volontaire". L'auteur considère que la soumission du peuple à un tyran par exemple, ne peut s'expliquer par le rapport de force, et qu'il y a de fait un renoncement à sa liberté de la part du peuple. La Boétie propose des explications à cet état de fait, rappelle que la liberté est ce que l'homme a de plus précieux, explique aussi comme les tyrans s'y prennent pour assujettir un peuple, etc.. J'ai trouvé le texte intelligible, plutôt facile d'accès, très intéressant et tellement actuel !
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