Je ne suis pas sûr que tu aies raison, Laurent. Pour te dire le fond de ma
pensée, je ne crois pas que littérature et psychiatrie fassent bon ménage. (...)
Il me semble que la fréquentation quotidienne de l'imaginaire ne s'accorde
pas avec la pratique journalière de la folie. Il y a là comme un voisinage
trop intime, une proximité presque incestueuse. La folie dévastatrice des
patients domine toujours la folie douce de la fantaisie créatrice. Et puis
notre métier est un sacerdoce. soit tu seras un excellent psychiatre et un
mauvais écrivain,soit ce sera l'inverse. Dans le premier cas, bien sûr, ce serait
moins grave, un mauvais écrivain n'a jamais tué personne. Mais tu auras
meurtri tes rêves, ce qui est au fond un autre crime...(p. 111)