J'arrive devant ta porte, j'ai hâte de découvrir ton chez toi. Nos intérieurs en disent beaucoup sur nous. Est-ce que c'est propre, en bordel ou rangé ? Est-ce que s'est décoré, quel style, quels meubles, quelles plantes ?
Mon truc préféré c'est les détails, regarder les objets posés sur les étagers, les livres cachés tout en haut, ceux qu'on ne peut pas attraper, les photos, les bibelots, les tableaux...
Je te regarde dans ce bar, mes amis me parlent mais moi je te regarde. Ton look de hipster à peine apprivoisé, tes cheveux courts et ta barbe emmêlée. Tu remplis les bières et tu les sers, tu encaisses, tu recommences. Je vois ta main attraper le manche et le descendre, je vois ce liquide bruns couler et mousser, ça déborde du grand verre estampillé, ça coule jusqu’à ton poignet. Tu évacues la mousse en excédent, tu poses la bière sur le comptoir et ainsi de suite. La belle ritournelle. Je me rends compte à quel point tu es sexuel, malgré toi peut-être mais tes gestes, tes mains humides, je ne vois que ça, je suis bloquée, j’ai envie que tu me prennes sur ce bar. Un jour. Peut-être.
Je referme mon carnet et retourne au van, je suis reconnaissante de cette vie-là, je ne l'échangerai pour rien au monde. Certains pourraient me dire " Ah bon tu n'as pas de copain ? " " Tu ne veux pas faire d'enfants ? Il ne reste plus beaucoup de temps..." je répondrais :
" Allez vous faire foutre ! "
Moi j'ai mille amant.e.s, mille vies, et milles envies. je suis libre et heureuse et si vous m'enfermez dans une case c'est sûr que je vais dépérir.
Quand c'est tordu, on pense que c'est cassé, que ça ne fonctionne plus bien. Le tordu il n'est pas comme les autres, il est mis de côté, il est mal vu. Alors deux tordus ensembles tu vois, ça donne des choses vraiment bizarres.
Si les gens savaient tout ce qu'on se dit et tout ce qu'on se fait, ils auraient pour la plupart bien du mal à comprendre. ils nous interneraient et on les entendrait crier : «injection de vertu pour ces deux là, s'il vous plaît» !
Mais moi, ça ne m'empêche pas de les raconter nos histoires. Elles sont tordues mais elles sont belles. Elles nous révèlent. Elles nous rendent beaux. Il faut bien qu'on les réveille ces envies cachées dont on n'ose jamais parler. Il faut les dire, il faut les vivre sinon on va exploser putain.
Il fait un peu frais, il y a du vent et pas beaucoup de monde dans les rues. J'aime bien marcher dehors la nuit. Surtout quand il s'agit de te retrouver. Je regarde les détails qui m'entourent, les façades d'immeubles, les branches d'arbres qui bougent, les pavés abimés et les affiches de spectacles décollées. Je respire l'odeur de la fin d'été, ce n'est pas la campagne c'est sûr, ça ne sent pas la verdure, mais j'aime bien.
J'aime bien la ville et le bitume.
Je suis à la fois rassurée et inquiète. Rassurée parce que c'est vrai, je passe à autre chose rapidement et je pourrais bien me lasser avant toi. Le premier qui se lasse souffrira moins que l'autre. Mais je n'ai pas envie que tu aies mal, je n'ai pas envie de t'abandonner malgré moi. Je n'ai pas envie de ne plus avoir envie de t'écrire, de te voir, de te parler.
J’ai le démon en moi, je ne me reconnais pas. Mes désirs me gênent. Heureusement que personne ne peut lire dans ma tête.
Tu allumes la petite enceinte de la chambre, le piano résonne, c'est l'air de Satie. Je pense à Arnaud. Il me manque. Mais toi tu me combles. Tu ne combles pas le trou qu'il a laissé, tu remplis un nouvel espace que tu as créé. C'est un peu ça l'amour, on n'a pas juste un cœur à remplir, on en a plusieurs.
Et puis franchement, je sais pas si tu le savais mais la définition du mot jeu est tellement claire que je ne vois pas comment définir le sexe autrement : le jeu est une activité physique ou mentale dont le but essentiel est le plaisir qu'elle procure.
Ce qui me plaît dans notre histoire, Julien, c'est qu'elle n'a ni début ni fin. Elle est là, elle vit. Comme nous. Parfois elle nous éloigne, parfois elle nous rapproche.