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Citation de Tempsdelecture


J'avais grandi en croyant que ma famille partageait mon enthousiasme pour le Parti, mon envie de servir le pays, mon mépris pour nos ennemis et mon inquiétude parce que nous n'avions pas de héros à commémorer. Cette fois, j'avais le sentiment que c'était différent. Mes questions sur la politique, le pays, les manifestations et ce qui se passait ne recevaient que des réponses succinctes et évasives. Je voulais savoir pourquoi tout le monde exigeait d'être libre alors que nous nous trouvions déjà dans le pays le plus libre qui fût, comme le disait toujours notre maîtresse Nora. Lorsque je mentionnais son nom à la maison, mes parents levaient les yeux au ciel. Je commençai à me dire qu'ils n'étaient pas les mieux placés pour me répondre et que je ne pouvais plus leur faire confiance. Non seulement mes questions sur le pays demeuraient sans réponse, mais je me demandais aussi désormais dans quel genre de famille j'étais née. Je doutais d'eux et ce faisant découvrir que la perception que j'avais de moi-même commençait à m'échapper.

J'ai conscience aujourd'hui d'une chose que je ne comprenais pas clairement à l'époque : les schémas qui façonnaient mon enfance, ces lois invisibles qui structuraient ma vie, ma vision de ceux dont les jugements m'aidaient à comprendre le monde - tout cela changea à jamais en décembre 1990. Il serait exagéré de suggérer que le jour où j'enlaçai Staline fut le jour où je devins adulte, le jour où je compris que c'était à moi de donner un sens à ma propre existence. Mais il ne serait pas excessif de dire que ce fut le jour où je perdis mon innocence. Pour la première fois je commençai à croire que la liberté et la démocratie n'étaient pas une réalité dans laquelle nous vivions, mais une mystérieuse vérité à venir dont j'ignorais presque tout.
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