Elle se rappelait qu’Antoine lui avait souvent posté des cartes reproduisant des œuvres de Rodin – la première carte qu’elle avait reçue représentait Le Baiser, la dernière, la Tête de Camille Claudel. Il avait recopié au verso de la première un poème de René Char : « Beauté, ma toute-droite, par des routes si ladres, / À l’étape des lampes et du courage clos, / Que je me glace et que tu sois ma femme de décembre. / Ma vie future, c’est ton visage quand tu dors », et au verso de la dernière l’extrait d’un autre poème de René Char : « Je n’ai pas peur. J’ai seulement le vertige. Il me faut réduire la distance entre l’ennemi et moi. L’affronter horizontalement. »
(...) Maintenant encore, quand je pense à Antoine, je ne peux oublier que je l’ai aimé avec violence, pas seulement parce qu’il était jeune et que près de lui j’avais le sentiment d’avoir à nouveau vingt ans, mais parce que lui aussi m’a aimée avec violence, la violence de ceux qui ont en horreur les tièdes.