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EAN : 9782267026764
333 pages
Christian Bourgois Editeur (30/11/-1)
3.76/5   17 notes
Résumé :
Un jeune journaliste parisien, de passage au Havre, découvre un livre d’un écrivain nommé Antoine Sorel, qui se trouve avoir toujours habité cette ville. Le lendemain de cette découverte, si importante dans sa vie de lecteur, le jeune journaliste apprend la mort de l’écrivain, qui s’est suicidé à l’âge de quarante-cinq ans. Sans se dire qu’il y a un « mystère Sorel », le jeune admirateur décide de mener l’enquête et de retrouver ceux qui avaient été proches de Sorel... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Encore un cinq étoiles, pour ce livre aussi, car, comme c'est écrit, « en inconditionnelle de Sorel, elle les aimait tous et se refusait à les départager » (p. 330). Rendre hommage, c'est au fond lire et relire, faire lire, même pour de mauvaises raisons, de sorte que perdure une oeuvre qui déroute. Réédition plutôt que reddition du journaliste admiratif devant l'écran de son ordinateur. Traduire un « inclassable » c'est parfois aussi faire oeuvre de pénitence pour partager des passions communes. On a souvent laissé entendre que Linda Lê était « si peu de son époque ». Pourtant, ici, non sans un humour discret, elle qui a toujours « tir[é] des outsiders de l'oubli », nous montre qu'elle observe nos « gagnants du steeple-chase social ». On peut « sniffer des poppers, achetés dans des sex-shops, et qui nous rend[ent] hilaire, totalement high », et « s'enthousiasm[er] pour le mythe de la caverne de Platon (l'homme moderne n'est-il pas condamné à n'embrasser que des ombres et à ne vivre que dans un monde de fantôme ?) » (p. 45). On trafique nos curriculum vitae, mais nous ne sommes plus si nombreux à refuser de « téléphoner avec un portable (celui que Jean lui avait donné, il le lui avait aussitôt rendu en disant qu'il n'était pas un larbin, portant toujours sur lui cet engin diabolique et répondant dès qu'on le sonnait) ». Dans nos ateliers de cuisine, on s'adonne à « l'art d'accommoder les restes ». Et l'on craint de rater sa vie, car « de toute évidence, il [fiston] ne serait jamais dans les affaires, ni même fonctionnaire assuré d'avoir une confortable retraite!», mais travaillera au mieux comme vendeur dans un magasin d'ameublement auquel le patron est fier de donner le nom de « Mis en demeure ». Notre Anselm Kiefer ou notre Baselitz « avait son atelier dans une imprimerie désaffectée [délocalisation oblige] où un simple rideau l'isolait d'une famille de Tsiganes qui jouait du violon sur les marchés et parfois cuisinait pour lui. » [...] « Il s'était enfui loin de sa famille à dix-huit ans, et pour quoi ? Pour vivre moins bien qu'un romanichel ». Si la chance vous sourit et vous acceptez de la « reproduire », de ne surtout pas l'éconduire, vous épousez une riche qui vous fait goûter au caviar arrosé de vodka. Quand je pense à ce crieur que j'ai observé sur une plage quelconque : « Les beignets sont arrivés, qui c'est qui veut en manger ? Pour tous ceux qui ont la dalle, c'est un vrai régal ! » Dans « Vinh L. » quatrième de ses « Évangiles du crime », Linda Lê faisait dire à son narrateur « mon livre, pour exister, avait mangé d'autres livres. » Gourmets de tous les pays, réjouissez-vous !
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Oeuvres vives (marine): partie de la coque immergée dans l'eau par opposition aux oeuvres mortes, la partie émergée (p258).
Antoine Tran dit Antoine Sorel vit au Havre , sa ville natale. Il a écrit et publié plusieurs romans au tirage limité voir confidentiel. Sa notoriété ne dépasse pas un petit cercle d'initiés." sa prose (était) d'une noirceur accablante pour qui se voilait la face , mais tonique pour le liseur à la recherche d'antidotes contre sa myopie intellectuelle "(p23).
Notre narrateur, journaliste dans un hebdo parisien découvre par hasard l'oeuvre de Sorel .Révélation Choc .... Par le plus grand des hasards alors qu'il se trouve au Havre pour son boulot il apprend le suicide à 45 ans de celui qu'il considère désormais comme le plus grand des écrivains contemporains Il décide alors de plonger dans l'univers sorélien et se retrouve investi d'une mission pour lui incontournable réhabiliter , faire découvrir l'oeuvre de Sorel Quoi de mieux décrète t'il que de lui consacrer tout son temps , de partir à la recherche des personnes qui l'ont connu et de lui rendre hommage à travers un livre.
Voilà donc notre narrateur transformé en enquêteur ,arpentant le Havre , rencontrant les rares personnes côtoyées par Sorel fort peu nombreuses en réalité. Avec lui nous découvrons un personnage taiseux , ivre d'écriture , ivre d'alcool , solitaire , ayant choisi une vie de pauvreté et de misère en réaction devant les attitudes réactionnaires de ce père innommable raciste, chauvin, admiratif du puissant et de l'argent. Sorel lui reproche d'avoir renié leur ascendance vietnamienne. et d'avoir ignoré jusqu'à sa mort son grand-père arrivé dans les cales d'un navire en provenance de Saigon pour servir de main d'oeuvre pour remplacer les hommes partis au front .
Linda Lé auteure d'origine vietnamienne arrivée en France à l'âge de 14 ans est me semble t il un peu à l'image de son héros . Se refusant au jeu des interviews elle est encore peu connue du grand public mais son écriture en force , en rage parfois ne peut laisser indifférent . Pour moi une découverte d'un univers atypique mais plus qu'intéressant .
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Le propos : rendre hommage à un écrivain, voire à la force de la littérature en général, de cette littérature empreinte de « la violence de ceux qui ont en horreur les tièdes ». L'écriture commémorative devient urgente pour le narrateur : « m'acquitter de ce qui m'apparaissait clairement comme la plus haute des missions ». « Je leur donnais le sentiment d'employer presque toutes mes nuits à m'occuper d'une affaire de la plus haute importance dont il n'était nul besoin de préciser que je m'en tirerais avec maestria ? » C'est avec grand art que Linda Lê convoque des références variées et raffinées pour nous rappeler comment, après Kierkegaard, « rire [encore] des folies du monde ».
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Un roman est un fantasme. Être projeté dans ce dédale d'hallucinations peut-être tantôt plaisant et tantôt cauchemardesque. Et parfois, comme dans les rêves mêmes, on peut s'ennuyer fermement.

Chère Linda Lê, comment ne pas lire cet opus - au regard de vos délicieuses inclinaisons pour une littérature que j'apprécie tellement - comme « la biographie imaginaire de l'écrivain maudit que je ne serais pas » ?
Mais ce monstre que vous formez dans le creuset de vos affections, chimère formée de toutes vos lectures, n'est-il justement trop normal dans son génie ? Pauvre, marginal, poivrot, antisocial et misanthrope, fou, obsédé par l'écriture, possédant en clair tous les tics d'un romantisme noir si délavé qu'il me paraît plus grisâtre. Ce pourrait être peut-être la victoire paradoxale de ce livre, faire sentir la saveur grisâtre des cendres après la désintégration physique et morale d'un homme.

Mais votre narrateur est là et réduit à néant la possibilité de jouir de ce possible. Car il est là, sans cesse, à vouloir ériger sa statue au Maudit, à réaliser sa volonté que le posthume exhume le poète inconnu, mal publié (car bien sûr les éditeurs n'aiment pas publier comme il faut les génies), et l'on assiste, l'oeil terne, à cette reconnaissance finale et soudaine.

Sûrement que situer le roman au Havre a été une très belle idée. Avez-vous fait un tour dans la bibliothèque Oscar Niemeyer dans « le Volcan » ? Ils viennent de rouvrir. Vous pourriez y lire La Nausée que, bizarrement, votre héros mélancolique ne semble pas avoir lu malgré son érudition rêvée... Référence trop écrasante ? Ou bien vous pourriez vous plonger dans les paysages où dansent les kobolds que Verlaine apercevait quand il glissait vers « Charleroi ». J'ai tant aimé ces paysages, ces poésies, ces références que votre Antoine Sorel me reste un pâle fantôme dans le soleil épuisé d'un après-midi de janvier.

Sorel ? Vraiment ? Pas comme Georges Sorel, bien sûr mais comme Julien Sorel. le Noir et le Noir aviez-vous peut-être projeté d'écrire, au moins en pensée, au moins putativement, à travers ce diable d'Antoine Sorel. Avez-vous soumis votre projet aux mânes de Julien Gracq ? Car là encore l'emprunt me semble si déplacé et ce héros tellement en manque de contrastes.

Pour le style d'ailleurs, peut-on s'en sortir en disant qu'il s'agit d'un narrateur journaliste et que l'on excusera à ce compte les formules toutes faites qui jalonnent l'ouvrage ?

« Elle l'a aimé au premier regard, comme on dirait dans les romans de 1850. »

Non. Ni en 1850 ni aujourd'hui. Je voudrais que vous me disiez un jour d'où vient cette fascination des expressions toutes faites que vous ne cessez d'utiliser, comme si vous preniez un plaisir poétique à employer toutes ces tournures qui se sont justement calcifiées en clichés. C'est une véritable interrogation, car l'effet est trop insistant pour qu'il soit une paresse d'écrivain. Je crois au contraire qu'il s'agit chez vous d'une recherche bizarre, peut-être liée à votre bilinguisme, dans lequel ces expressions trouvent un écho particulier. En tout cas pour moi ils biaisent ma lecture jusqu'à la pente fatale de trouver tout votre roman désespérément adolescent.

Tout n'est pas si sombre, je vous rassure (vos portraits de femmes aimées sont bien faits), mais comment s'enthousiasmer pour un auteur dont on n'a que la vie désastreuse pour toute référence et non les textes ? Bref je vous pose la question : la vie des écrivains est-elle une oeuvre à part entière ? Je dis bien « à part entière », exclusivement, à l'exclusion de la connaissance de tous les textes ? Car c'est ce que postule votre ouvrage en prenant le cas d'un auteur imaginaire dont un journaliste nous donne à lire la biographie sans aucun extrait de l'oeuvre même (une phrase en introduction, assez théâtrale, mais bien tournée, est un peu court).
Je suis un peu comme Proust, Blanchot et Derrida, la réduction biographique m'exaspère, surtout dans ce qu'elle a aujourd'hui d'écrasant. Avec Barthes je veux bien lire l'intrication de la vie et de l'oeuvre et des « biographèmes »:

"Si j'étais écrivain et mort, comme j'aimerais que ma vie se réduisît, par les soins d'un biographe amical et désinvolte, à quelques détails, à quelques goûts, à quelques inflexions, disons des biographèmes dont la distinction et la mobilité pourraient voyager hors de tout destin et venir toucher, à la manière des atomes épicuriens, quelque corps futur, promis à la même dispersion ; une vie « trouée », en somme."

Mais ce que vous proposez, vous le comprenez, c'est la vie, mais sans l'oeuvre.
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Le jeune journaliste, protagoniste de ce très bon roman de Linda Lê - Oeuvres vives - à tout pour (me) plaire : il écoute Joy Division dans sa voiture, se rend à des pièces de Beckett avant de s'enticher d'un écrivain torturé du nom de Sorel dont il trouve un livre, par hasard, pour apprendre sa mort par défenestration le lendemain ! C'est donc une enquête littéraire que va mener ce journaliste, pour prouver que la mort n'a pas le dernier mot sur la littérature. Dans la figure de Sorel on retrouve tous les auteurs aimés de Linda Lê : Robert Walser (qui se retira du jeu littéraire), Stig Dagerman (qui se suicida), mon cher Osamu Dazaï (décadent et malade mental), Ladislav Klima (héritier de Zarathoustra), Cioran (le pessimiste généreux), Ghérasim Luca (l'insoumis), et quelques autres grands nihilistes. Un beau roman, hommage à la littérature, celle qui change notre vision du monde :
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critiques presse (3)
Telerama
22 octobre 2014
L'esprit de François Truffaut règne dans les pages de ce livre en forme d'enquête policière, d'une facture très classique et d'une précision visuelle envoûtante.
Lire la critique sur le site : Telerama
Liberation
08 septembre 2014
Linda Lê guide dans la ville de son adolescence un narrateur obsédé par un écrivain suicidé, étranger parmi les siens.
Lire la critique sur le site : Liberation
Culturebox
22 août 2014
L'écriture de Linda Lê, classique et soignée, promène le lecteur au rythme d'une quête sinueuse, sur les pas d’un homme et la naissance d’une œuvre, la littérature comme refuge aux peines de l'exil.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Premières phrases d'Oeuvres vives
Le suicide d’Antoine Sorel n’avait pas fait couler des flots d’encre. Les hommages rendus à cet écrivain peu répandu, qui s’était défenestré du sixième étage de son immeuble, étaient d’une discrétion frisant l’indifférence. La plupart des journaux s’étaient contentés de reproduire la mystérieuse injonction qui figurait à la fin du faire-part inséré dans un grand quotidien. Elle était extraite d’un fameux recueil d’aphorismes dont j’imaginais que le disparu se séparait rarement : « Il ne faut pas s’astreindre à une œuvre. Il faut seulement dire quelque chose qui puisse se murmurer à l’oreille d’un ivrogne ou d’un mourant. »
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Même si je n'étais pas fixé sur la façon dont j'allais me servir de ce premier témoignage, et même si je ne pensais pas que l'existence d'un écrivain se réduit à la somme d'anecdotes récoltées à son propos, Antoine Sorel, après cet après-midi et cette soirée passées à écouter Barbet, m'apparaissait moins désincarné (...) Il n'avait parlé que de ce qui l'avait amené à s'éloigner de ses semblables, sans être un Alceste drapé dans sa morgue et se croyant très au-dessus du commun. Il n'avait parlé que de son sentiment d'être, parmi ses prochains, un cas d'espèce, de ne pas avoir, contrairement à la plupart d'entre eux, une carapace qui l'aurait préservé des crises de conscience, de ne pas connaître cette absence d'émotivité qui l'aurait sauvé de bien des marasmes. Il prenait tous les risques et allait toujours plus loin dans l'exploration des territoires non encore défrichés, de telle manière que son inventévité effrénée le désaxait et l'emportait ver l'outre-monde. (p.54-55)
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Lorsque j'avais douze, treize ans et que j'empruntais des romans à mon père, je me demandais comment on en écrit un. Interpelle-t-on le lecteur, comme le font parfois les auteurs malicieux? Y met-on des bouts de soi-même et des miettes de son savoir ? En ce temps-là, je composais d'abominables vers, pour dire en gros que la vraie vie est ailleurs. Je tenais aussi des carnets intimes, pour dire en gros que je n'avais pas ma place sur terre. (p.13-14)
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Je n'aurais pu dire ce qui m'attristait le plus, de lire dans un journal qu'un homme avait attenté à ses jours ou de savoir que la littérature de Sorel ne l'avait pas empêché de se détruire. Je me représentais ses dernières heures, dans son sixième étage sûrement en mauvais état, au milieu des chefs-d'oeuvre de sa bibliothèque qui n'étaient plus des remèdes contre la lassitude de vivre. (p.20)
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Elle se rappelait qu’Antoine lui avait souvent posté des cartes reproduisant des œuvres de Rodin – la première carte qu’elle avait reçue représentait Le Baiser, la dernière, la Tête de Camille Claudel. Il avait recopié au verso de la première un poème de René Char : « Beauté, ma toute-droite, par des routes si ladres, / À l’étape des lampes et du courage clos, / Que je me glace et que tu sois ma femme de décembre. / Ma vie future, c’est ton visage quand tu dors », et au verso de la dernière l’extrait d’un autre poème de René Char : « Je n’ai pas peur. J’ai seulement le vertige. Il me faut réduire la distance entre l’ennemi et moi. L’affronter horizontalement. »
(...) Maintenant encore, quand je pense à Antoine, je ne peux oublier que je l’ai aimé avec violence, pas seulement parce qu’il était jeune et que près de lui j’avais le sentiment d’avoir à nouveau vingt ans, mais parce que lui aussi m’a aimée avec violence, la violence de ceux qui ont en horreur les tièdes.
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