Linda Lê

Dans tous les pays du monde, tu trouves des parvenus qui inscrivent leur nom, adresse, numéro de compte sur un bout de papier qu'ils détachent suivant le pointillé, ils s'intronisent tuteur, parrain et, en échange d'un versement mensuel totalement dérisoire, l'équivalent des frais de nourriture pour leur chien ils s'estiment en droit de recevoir d'un orphelin du Tiers-Monde ou d'une veuve, citoyenne d'une ville tropicale au nom imprononçable, une longue lettre tous les mois et la gratitude pour la vie. La clique des parrains dénichés par les organisations humanitaires ne compte que des parvenus qui, au lieu de s'acheter une bonne bouteille, se paient le luxe de chambouler le destin d'un négrillon rescapé d'un bordel ou d'un fouilleur de poubelles entaulé par des missionnaires.