Citation de brumaire
L'émotion (et la douleur) de revoir Hélène, mes enfants, la détresse que je sentais me gagner à l'idée de retrouver Paris, les parents agglutinés à la sortie des écoles à l'heure du goûter ( à quand remontait donc ma colère contre ces couples de trentenaires qui parlaient de leurs enfants avec des sourires extatiques et que je retrouvais un peu plus tard dans la queue, devant la boulangerie, s'invitant mutuellement à dîner et feignant de demeurer absolument zen et épanouis, épanouis surtout, tandis que les gosses ne cessaient pas une seconde de les interrompre, quand ils ne balançaient des coups de cartable dans les mollets ?), les prévisions de Bison futé pour "les routes du week-end" (mais quel était donc l'imbécile qui était parvenu à nous imposer depuis cinquante ans cette ânerie de "bison futé" née d'un cerveau de gendarme ? ) , les cafés bondés de la rue Oberkampf le vendredi soir, (......) le sourire d'Arthur sur TF1, la suffisance des policiers français et, par dessus tout, leurs incessantes traversées de Paris toutes sirènes hurlantes au volant de leurs affreuses petites Peugeot bariolées , le débat sur nos retraites, l'insondable bêtise des supporters à l'entrée des stades de football, les sinistrés des inondations de janvier pleurant à l'ouverture du 20 heures devant leur réfrigérateur à demi englouti, les TGV en panne aux premières neiges et les récits des "naufragés du rail" repris en boucle sur France Info, les professeurs en colère, les conducteurs de RER en colère, les producteurs d'huîtres en colère, les buralistes en colère, et puis Eric Besson, Xavier Bertrand.... J'avais pressenti qu'en quelques jours seulement, miné par ce spectacle, par notre impuissance à faire de la vie autre chose que cette pauvre chose, nous qui figurions parmi les nantis du monde, je perdrais mon livre et me retrouverais à errer dans ce Paris qui me glace le coeur depuis ma petite enfance, ou à pédaler comme un dératé sur le circuit du bois de Vincennes pour espérer au moins trouver le sommeil.
