La fête du mort
Encore tout dégoulinant de sueur, ma planche de skate à la main, je contemplais le planning du jour, désespérant toujours autant d'avoir abandonné la fac. Mais mon désespoir n'y changerait rien : mon prénom, Sam, ne serait pas effacé de la ligne «comptoir» pour être réécrit sur la ligne «grill». Peu importait d'ailleurs, puisque, de toute façon, mon travail me cassait les pieds. Disons qu'au grill, il me barbait un peu moins. Là, pas de clients à gérer.
Un je-ne-sais-quoi dans l'uniforme des employés de fast-foods fait croire aux gens que, pas de problème, ils peuvent nous traiter comme de la m... Personnellement, je suis toujours poli avec celui qui s'occupe de ma nourriture. Un repas peut subir tellement d'horribles trucs avant d'arriver dans l'assiette.
Mais peut-être pouvais-je changer ? Non, d'après le planning, c'était Ramon qui était de service au grill. Cinquante dollars et un pack de douze bières auraient pu le faire fléchir, mais je n'avais rien de tout cela. Je grognai et appuyai ma tête contre le mur.
Quelqu'un entra derrière moi et me donna une tape sur l'épaule.
- Fallait pas quitter la fac, mon vieux !
Je sus que c'était Ramon avant même d'ouvrir les yeux. Pas étonnant, on se connaît depuis la sixième. Il n'y en a pas deux comme lui pour faire des remarques aussi sympas.
- Toi, tu n'as pas lâché la fac et pourtant tu es toujours là, répondis-je, tournant la tête pour le regarder.
- Je vais pas laisser mon copain Sammy tout seul, ici ! Je serais un drôle de pote, non ?
- Un super pote, tu veux dire.
Il rit tout en accrochant sa capuche noire au portemanteau, troquant son sweat-shirt contre un tablier. Je fis de même, l'enthousiasme en moins.