Il était irréprochable dans son travail. Avec lui, il n’y avait qu’un mot d’ordre : obéissance, il exigeait des autres ce qu’il ne savait pas faire. Bien qu’elle n’éprouvât aucune sympathie à son égard, sa hiérarchie l’appréciait pour sa compétence et son autorité.
– Avec Bouldrer, il faut marcher droit, obéir au quart de tour, disait de lui le lieutenant pénitentiaire.
Les prisonniers le craignaient.
Ses relations avec les autres surveillants étaient loin d’être cordiales. Il oubliait souvent qu’il n’était que surveillant brigadier et qu’il avait affaire à des collègues. Il se permettait des remarques, parfois blessantes, sur leur façon d’agir. Il prenait ses repas seul dans son coin et n’allait jamais prendre un verre avec eux, après le travail.
Ce soir-là, quelques surveillants étaient réunis dans le petit café qui se trouvait à quelques mètres de la prison quand ils le virent passer.
– Tiens, voilà « super-gardien », dit le plus jeune du groupe.
– Tu vois, dit alors son voisin de table, nous fréquentons à longueur de journée des crapules, je trouve qu’il a une plus sale tête que beaucoup d’entre eux.
– Tu as raison, reprit un troisième.
Se retournant vers le plus jeune :
– Méfie-toi de lui, petit. Il lèche les bottes des plus gradés. Nous, il nous méprise. On se demande bien pourquoi. Si tu commets la moindre erreur devant lui, il n’hésitera pas à te dénoncer pour se faire bien voir.
– Il n’est pas clean ce type, dit le dernier du groupe.
Il était loin d’imaginer à quel point il avait raison.