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Critiques de Louis Boussenard (7)
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Le tour du monde d'un gamin de Paris

Je continue ma découverte des écrivains et romans du 19e siècle avec bonheur, pour l'intérêt que je porte notamment à la langue française. Et celui-ci n'échappe pas à la règle.



Du point de vue du contenu, ce livre a tous les ingrédients d'un très bon roman d'aventures, si ce n'est ses longueurs dues à de multiples explications à visée éducative. A lire par ailleurs avec le recul nécessaire face au discours colonialiste de l'époque.
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Les secrets de Monsieur Synthèse

L’expérience de Miller (1953), vous connaissez ? Hé bien, elle est au cœur de ce roman. Mais notre héros, M. Synthèse, va beaucoup plus loin. Puisque son expérience doit mener à la création d’un être humain. Va-t-il réussir, je ne vous le dirai pas aujourd’hui. Lisez donc ce roman à mi-chemin du roman d’anticipation et du roman d’aventure.



Comme dans tous les romans et nouvelles d’anticipation de cette époque, il est émaillé de notes zoologique, botanique, ethnographique et géographique. C’est d’ailleurs l’occasion de signaler un point qui m’a particulièrement déplu : son racisme évident envers les Chinois. Alors que, dans le même temps, il encense les malais. Surprenant ? Pas tant que ça quand on sait comment les occidentaux ont occupé la Chine à la fin du XIXe siècle. Louis Boussenard ne pouvant qu’avoir une mauvaise expérience du peuple chinois.



En bref : Ce roman d’anticipation de la fin du XIXe siècle peut vous plaire si vous arrivez à passer sous silence ce point négatif. Mais le style de Boussenard n’est pas transcendant et Je l’ai lu jusqu’au pour connaitre le lien entre celui-ci et 10000 ans dans un bloc de glace qui est censé en être un épilogue. Hé bien ! Je n’ai pas trouvé... hormis M. Synthèse bien sûr que nous laissons complètement désorienté (a-t-il perdu la raison ?) à l’issu des Secrets et retrouvons pris dans un bloc de glace au début des 10000 ans. Ils peuvent donc être lus indépendamment l’un de l’autre.
Lien : http://livres.gloubik.info/s..
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Le tour du monde d'un gamin de Paris

D’une génération suivant celle de Jules Verne, Louis Boussenard semble en avoir parfaitement assimilé toutes les recettes. Comme son grand aîné, il réussit à nous faire partager la passion des «voyages extraordinaires» sans pourtant jamais arriver au même succès.

Sa méthode de publication est simple: feuilletons dans le célèbre Journal des Voyages puis parution en volume. Il écrira ainsi une quarantaine de romans qui le classent d’emblée parmi les meilleurs auteurs du genre.

En 1879 après le succès de A Travers l'Australie, il récidive avec ce qui sera son premier très grand succès – et en quelque sorte le livre emblématique de sa carrière: Le Tour du Monde d’un Gamin de Paris. Il lui faut d’abord imaginer son héros: ce sera un garçon de 17 ans, qui répond au nom de Victor Guyon et reçoit le surnom de «Friquet». Il faut croire qu’il attire le lecteur puisqu’il y aura une dizaine de volumes de ses aventures . Le roman s'articule autour de trois grandes parties Les mangeurs d'hommes, les bandits de la mer et le vaisseau de proie.



Roman d'aventures et d'amitié j'ai pris du plaisir à découvrir cet auteur inconnu pour moi. L'épisode de la chasse au gorille et du vol en condors valent le détour et font oublier quelques longueurs. L'écriture est agréable et on s'attache très vite au héros.
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La Terreur en Macédoine

"Vive la Macédoine ! Vive la Macédoine librrrre !" Cette phrase ne vous rappelle rien ?

Nous sommes donc en Macédoine, en 1900. Ce pays est occupé par les Turcs, et quelques Albanais.

Joannès, paysan macédonien, qui voit son beau-père martyrisé et coupé en deux par le bey albanais Marko parce qu'il n'a pas payé l'impôt, se révolte et veut créer un mouvement de résistance nationale. Mais il est ligoté avec sa femme Nikéa, et emmené par Marko dans son repaire de brigands. Au cours d'un passage de gué, il s'échappe, et consolide son réseau de résistants. Il y a alors une guerre à mort entre Joannès et Nikéa d'une part, et Marko d'autre part, devenu très puissant puisqu'il a "remplacé" le vilayet turc qui administre toute la Macédoine...

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C'est un roman historique, cruel mais passionnant ! La région des Balkans m'est totalement inconnue, et maintenant, je comprends mieux cette "poudrière balkanique" : la géographie de tous ces petits pays m'était inconnue, mais surtout leur histoire.

Sous Soliman le magnifique, l'empire ottoman, à son apogée, fut aux portes de Vienne.

La Macédoine, comme l'Espagne, a été envahie plusieurs siècles. La conquête de l'indépendance dans les Balkans a commencé par la Grèce en 1830. La Turquie a pratiquement été "réduite" à ses frontières actuelle à l'issue de la première guerre mondiale.

En plus de cette découverte historico-géographique, " La terreur en Macédoine " apporte des bases rappelant la Résistance française sous Hitler, ou la guérilla de Fidel Castro et El Che Guevara dans les montagnes cubaines.

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La cerise sur le gâteau est la romance entre Joannès et Nikéa,... qui n'a trop le temps de se développer, tellement les combats estan hasta la muerte !
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L'île en feu

Conteur graphomane et délirant de romans d'aventure pour la jeunesse, Louis Boussenard fit les délices de la jeunesse populaire des années 1880 à 1910, où sa frénésie d'écriture, son imagination débordante, mais aussi une rigoureuse érudition, d'ordinaire plutôt fantasque et lacunaire dans ce type de littérature, lui valurent un succès constant et international - il fut longtemps abondamment traduit en Russie, où beaucoup de ses livres restent disponibles, alors qu'ils sont totalement épuisés en France depuis plus d'un demi-siècle.

En vérité, et à quelques exceptions près, Louis Boussenard n'est plus imprimé depuis 1937 (date de l'édition ci-dessus). Il est vrai qu'à l'instar des romans de Paul d'Ivoi, publiés semblablement en feuilleton par le « Journal des Voyages » et en volumes par Tallandier, c'est un type de littérature qui parait aujourd'hui bien désuet, et qui pose également des problèmes éthiques, puisque nombre de ces récits se passent dans des pays exotiques, décrits selon la vision coloniale et souvent raciste de leur temps.

Toutefois, résumer de tels romans à ces seules considérations, c'est évidemment très injuste, car Boussenard était un feuilletoniste hors pair, à l'imagination féconde et baroque, même si, là aussi comme Paul d'Ivoi, le conteur a tendance à souvent bégayer, voire même à tirer un malin plaisir à raconter les mêmes histoires en cherchant de nouvelles variations...

Comme c'est souvent le cas dans les rééditions de Tallandier, il y a en fait ici deux romans qui se retrouvent fondus en un seul, sans que ce soit jamais précisé. On retrouve donc dans ce volume : « Les Exploits d'une Ambulancière » (1897), et sa suite, « L'Île en Feu » (1898).

Ces deux romans narrent les aventures de Friquette, à ma connaissance la seule héroïne féminine de Boussenard. Ce dernier connut ses premiers succès, avec une série de romans mettant en scène Friquet, le "gamin de Paris" (1880-1886), un titi parisien vivant d'incroyables aventures à travers le monde. Incapable de s'en séparer tout à fait, Louis Boussenard le fit régulièrement revivre sous différentes incarnations, dont cette version féminine (Friquette) mais aussi sous les traits du propre fils de Friquet, nommé Totor, dans « Le Fils du Gamin de Paris » (1909).

Cependant, point de filiation directe pour Friquette, dont cette appellation n'est qu'un surnom : Louis Boussenard la présente comme une lectrice assidue de… Louis Boussenard, dont elle a dévoré avec tant de passion les aventures de Friquet que ses parents l'ont surnommé Friquette. Cependant, que l'on ne s'imagine pas pour autant que cette boulimie de lecture d'évasion cache une âme oisive : Friquette est une étudiante brillante, qui a choisi la médecine. Arrivée presque à la fin de ses études – à seulement 17 ans, comme on l'apprendra plus tard (les études allaient drôlement vite en ce temps-là) -, Friquette réalise qu'elle a peu d'expérience pratique, et qu'à l'instar du héros de son enfance, elle aurait bien envie de courir le monde, là où ses jeunes talents seraient désespérément utiles. Aussi se mettant en cheville avec l'Ambassade de France, elle part comme ambulancière sur des champs de bataille internationaux, où la France est présente diplomatiquement, souvent d'ailleurs dans des guerres d'indépendance.

C'est pour l'astucieux Louis Boussenard l'occasion d'utiliser Friquette pour tirer un trait d'union entre différents conflits du monde qui défrayaient l'actualité dans les années 1895-1897. Ainsi le premier roman, « Les Exploits d'une Ambulancière », dépeint notre Friquette soignant, guérissant ou accompagnant dans leurs derniers instants des blessés en guerre de Corée (unique encore, mais doublement envahie par la Chine et le Japon), puis à Madagascar, où cette fois-ci, c'est l'armée française qui a le mauvais rôle, bien que selon l'auteur, c'est avant tout le climat difficile de l'île qui est responsable de la déchéance coloniale qui y a lieu.

Boussenard s'étale goguenard sur les aberrantes – et néanmoins authentiques - "voitures Lefebvre", des sortes de chariots métalliques, tenant de la brouette géante renversée, dont la France a inondé Madagascar dans les années 1880. Hélas, les "voitures Lefebvre" avaient été testées en France, sur un terrain plat. À Madagascar, le poids massif de ces attelages épuisait des mulets déjà peu vaillants, les roues s'enfonçaient dans les terrains sableux, ou butaient sans espoir contre des rochers abrupts. Le fer des chariots brûlait rapidement les mains une fois chauffé par le soleil africain, puis finissait par rouiller, oxydé par l'air marin de l'île. Rarement une invention française aura été aussi peu inspirée, et selon Boussenard, les usines Lefebvre ne sont pas pour rien dans la révolte des malgaches contre ces colons français qui leur ont tant compliqué l'existence.

Enfin, Friquette goûte un repos bien mérité au large des côtes d'Éthiopie, où l'attend sa prochaine mission, alors que ce pays, ami de la France, est en guerre contre l'Italie. Mais hélas, Friquette vogue sur un navire qui fait du trafic d'armes. Accusée de complicité et d'espionnage par les Italiens, elle est condamnée à mort et enfermée. Là, surveillée par un gardien haineux, qui ne laisse entrer dans sa cellule que la jeune femme qui sert les repas, une éthiopienne aveugle, Friquette, qui aime autant se rendre utile en attendant la mort, soigne la jeune femme avec des médicaments qu'elle a gardé cachés dans ses chaussures (?) et son soutien-gorge (??) – seul moment un peu torride du roman, hélas – et finit par lui rendre la vue (???). La jeune fille et son père, pour remercier Friquette, lui teignent la peau et les cheveux en noir, puis, après avoir maîtrisé le gardien, la font évader, costumée en Ethiopienne. C'est le début d'une longue fuite à cheval, alors que Friquette est poursuivie sans relâche par l'armée italienne. Classique mais efficace, cette dernière partie des « Exploits d'une Ambulancière » est indéniablement la meilleure.

« L'Île en Feu » démarre de manière semblable, mais va bien vite évoluer vers un western révolutionnaire et latino. L'île en question, c'est Cuba, qui vit sa première guerre d'indépendance contre l'Espagne. C'est lors de cette révolte que naît le mot d'ordre « Cuba Libre », devenu depuis le simple nom d'un cocktail.

La France est alors aux côtés de l'Espagne, mais la cruauté des Espagnols révulse Friquette, et alors que les leaders de la révolution, un frère et une sœur, sont blessés, le colonel espagnol ayant capturé les deux leaders exige de Friquette qu'elle les remette juste assez en forme pour pouvoir les torturer et les fusiller. N'écoutant que son bon cœur, Friquette délivre les deux jeunes gens et s'enfuit avec eux pour prêter main forte à la révolution…

C'est à dessein que j'ai parlé de western, car ce roman plus linéaire que le précédent, et se passant exclusivement à Cuba, dénote une très forte influence américaine, doublant le récit historique d'une romance shakespearienne entre le leader cubain et métis, et la fille espagnole d'un planteur, qui refuse de donner sa fille à un "métèque". Touchante dénonciation du racisme espagnol, mais qui serait plus convaincante si Boussenard ne s'était déjà longuement répandu sur la race prétendument simiesque des asiatiques et sur la débilité mentale des malgaches et des éthiopiens. D'ailleurs, comme si ça ne suffisait pas, Boussenard fait tomber notre héroïne au beau milieu d'une secte vaudou et cannibale, qui prétend la dévorer avec ses amis après un rituel risible. Heureusement, tout se résoudra dans un assez violent bain de sang, où il sera bien précisé que ces gens-là étant à moitié humains, autant les réduire en charpie à coups de plomb…

Au final, tout est bien qui finit bien : l'occupant espagnol est chassé (prémonitoire, car le conflit n'était pas encore achevé au moment où parut ce roman), le beau leader métis épouse sa bourgeoise espagnole après que son père ait été tué, et Friquette elle-même, dont on se demandait si la libido s'éveillerait un jour, rencontre à Cuba un français qui est en fait un cousin indirect. Voyez comme le monde est petit !

Après qu'il l'eut fait rapatrier en France, Friquette et son cousin resté à Cuba échangent une longue correspondance qui, on le devine, débouchera sur un mariage, car Friquette, blessée par un boulet de canon, en a définitivement soupé des aventures, alors autant se marier et faire des enfants, n'est-ce pas ?...

Néanmoins, il faut relativiser ce happy end patriarcal, car « Les Exploits d'une Ambulancière » et « L'Île en Feu » sont des romans plutôt féministes, peut-être moins par idéologie que parce qu'il faut bien justifier que la jeune héroïne soit en permanence exposée à tous les dangers. Où qu'elle aille, Friquette tombe forcément sur un supérieur militaire qui l'enjoint à rentrer en France - car la guerre n'est pas faite pour les jeunes filles -, et auquel elle oppose toute sa détermination et son courage de femme qui exige d'être prise au sérieux. Son argument d'ailleurs est que les femmes sont là pour réparer ce que les hommes brisent, et que son adorable blondeur angélique (l'illustrateur de la couverture de l'édition de 1937 était apparemment mal renseigné) donne aux blessés l'envie et le courage de ne pas se laisser mourir, et d'affronter les douleurs qu'exigent les soins. Friquette sauve d'ailleurs deux hommes qui vont devenir ses assistants et ses seconds couteaux : le kabyle Barca, volontaire à Madagascar, et qui la suivra jusqu'en Éthiopie, où il épousera finalement une très jeune fille locale, et le marseillais de service, qui bien entendu s'appelle Marius, colosse débonnaire mais qui cogne dur sur les Espagnols, et interjecte des "trouns de l'air" à tout bout de champ.

Tout cela est certes fort daté, et ne manque pas de clichés balourds assez souvent ridicules, qui, en plus, nous ramènent à une époque bien lointaine où la perspective d'assister à une guerre faisait rêver nos jeunes têtes blondes. Mais il faut reconnaître que le menu de ces aventures est copieux, enlevé, même si, de par sa fonction d'ambulancière de guerre, Friquette est très limitée au niveau de ses actions, et souvent l'aventure ne commence vraiment que parce qu'elle est enlevée, enfermée, perdue, égarée et/ou en danger de mort. Cependant, increvable et d'une bonne humeur inaliénable, Friquette revient vite à ce métier sérieux et nécessaire qu'elle a fait sien, et dont il est exclu de déserter...

Enfin, ces deux romans valent aussi par leurs contextes, Boussenard ayant choisi des destinations et des conflits rarement abordés en littérature française d'évasion. Le côté pédagogique, instructif, ainsi que la valeur historique de ce qui est narré ici, sont loin d'être négligeables, et compensent le manque regrettable de cette fantaisie nanardesque si réjouissante que l'on trouve habituellement dans les oeuvres de Boussenard, et qui se fait ici bien plus discrète.

Le lecteur curieux et amateur d'insolite passera donc un assez bon moment, en dépit des nombreuses redites, d'un contexte belliqueux peu attrayant et d'inévitables longueurs et piétinements, car la guerre, c'est toujours très lent, comme on peut d'ailleurs s'en rendre compte quotidiennement à notre triste époque…
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Le fils du gamin de Paris

Louis Boussenard fut un monument de la littérature populaire des années 1880 à 1910. Quasiment oublié ici, il reste un grand classique en Russie, où depuis plus d'un siècle ses romans sont régulièrement réimprimés.

Boussenard reste surtout notable pour un cycle de romans d'aventures exotiques, mettant en scène Friquet, dit "Le Gamin de Paris", sorte de Gavroche gouailleur imposant, souvent par la force, la ruse et la violence, son bon sens parisien et son génie français dans les pays du monde les plus reculés et les plus hostiles.

On aurait tort cependant d'y voir une littérature nationaliste : Boussenard reflète l'esprit du jeune lectorat de son temps, assez ignorant sur tout ce qui était au-delà des frontières de la France, et naturellement enclin à penser que le pays où l'on est né est forcément le plus beau et le plus intelligent qui soit. Néanmoins, outre que les livres de Boussenard s'inscrivent désormais dans une condescendance coloniale dont la société actuelle fait repentance (Mort en 1910, Boussenard n'a pas eu le temps de prendre connaissance des premières contestations officielles de l'empire colonial), l'auteur lui-même a une tendance instinctive et décomplexée à considérer tous les indigènes comme une catégorie de bêtes fauves à deux pattes, que l'on peut abattre à loisir, et que l'on est tenu de respecter et d'épargner qu'à partir du moment où elles sont "domestiquées", et acquises à la civilisation française. Cette vision méprisante, - qui, soulignons-le, ne suscitait aucune espèce de débat en son temps - rend l'oeuvre de Louis Boussenard extrêmement compliquée à réimprimer de nos jours. Il n'en sera peut-être pas toujours ainsi, mais le lecteur curieux de découvrir cet immense romancier d'aventures devra passer sur bien des questions de principes, et arpenter les plus pointus des bouquinistes pour payer, souvent à prix d'or, cette littérature qui pourtant se voulait bon marché et accessible à tous.

« Le Fils du Gamin de Paris » est une oeuvre extrêmement tardive de l'auteur, qui tentait alors de relancer, trente ans plus tard, son personnage de Friquet par le biais de son fils, Totor, autre incarnation gouailleuse de Friquet. Ce volume, rassemblant en fait deux récits publiés en feuilletons en 1908-1909, « Le Fils du Gamin de Paris » et « L'Archipel des Monstres », aux intrigues aussi simplistes qu'absolument semblables, devait être le premier volet d'un nouveau cycle. La mort en a décidé autrement, et les deux récits fondus dans ce roman demeureront les uniques aventures de Totor...

C'est par une lettre à son père Friquet que Totor apprend au lecteur qu'il se trouve à bord d'un paquebot faisant le tour du monde. Surprenant un touriste américain battant un jeune mousse, Totor se lance avec lui dans une violente bagarre qui se termine sur le pont du navire. Là, une brusque lame de fond emporte les deux combattants qui basculent dans une mer démontée par la tempête. Rien ne semble pouvoir sauver les deux jeunes garçons d'une noyade forcée, mais heureusement pour eux, ils parviennent à surnager et sont déposés sur une plage déserte du sud de l'Australie. Oubliant leurs différends, les deux garçons sympathisent d'autant plus volontiers que le jeune américain Jimmy Stone est le fils d'un des plus gros industriels de la laine (Totor le rebaptise du surnom imagé de Mérinos, terme argotique désignant le mouton), et ce jeune millionnaire a pris l'habitude d'acheter chacun de ses désirs au prix le plus fort. Hélas, les quelques milliers de dollars qu'il a gardé sur lui, et qui n'ont pas trop souffert de la baignade, ne lui sont d'aucune utilité sur une terre déserte, hostile, au milieu d'une faune dangereuse, où seules l'ingéniosité et la prudence de Totor sont des gages de survie.

Aux dangers de cette nature hostile et caillouteuse s'ajoute aussi la double menace des "bushrangers", une bande rassemblant une centaine de bandits pillards et meurtriers, écumant les terres sauvages, ainsi que de la police montée, chargée de les arrêter, et qui prend Totor et Jimmy pour des "bushrangers" eux aussi.

C'est donc à une robinsonnade musclée et volontiers sanguinaire que Louis Boussenard nous invite dans une Australie rocheuse et inquiétante, dont néanmoins l'auteur dresse un portrait d'une grande érudition qui, même au XXIème siècle, émerveille et laisse pantois. Car, soucieux de pédagogie et conscient de l'effet immersif d'un paysage soigneusement décrit, Louis Boussenard s'arrête ponctuellement dans son récit trépidant pour se livrer à un cours accéléré de biologie, de géologie et de géographie, avec un indéniable instinct de ce qui peut intriguer un jeune lecteur. Ainsi, ses pauses pédagogiques non seulement ne nuisent pas à son récit, mais lui confèrent même en plus une certaine profondeur, qui, sur le plan narratif, lui fait assez grandement défaut.

Car Louis Boussenard est un homme qui applique une recette très épicée pour faire oublier que sa cuisine n'a pas beaucoup de goût : « Le Fils du Gamin de Paris » ne repose véritablement que sur un mélange de courses-poursuites et de leçons de survivalisme. Peu de psychologie, peu d'évolutions, beaucoup de dialogues pêchus mais moyennement drôles : l'intrigue ici n'est qu'une succession de rebondissements, d'obstacles soudains, de dangers imprévisibles, de périls effroyables. Nos héros ne sortent d'une épreuve que pour tomber dans une autre, et ce marathon sanglant parvient néanmoins à nous bluffer jusqu'à la fin.

« L'Archipel des Monstres » démarre peu de temps après que Jimmy et Totor aient rejoint la civilisation. Le jeune Américain a décidé d'exprimer sa reconnaissance à son ami français en lui offrant une nouvelle croisière autour du monde après celle qu'il n'a pu terminer. Il a donc fait l'acquisitation d'une immense navire, à peine plus petit qu'un paquebot, et pour lequel il a engagé tout un personnel qualifié. Il a également invité sa petite soeur, Nelly Stone, déjà très fascinée et très attirée par le jeune français. Totor est bien entendu ravi de cette invitation, mais comme le départ se fait un vendredi 13, il y voit un mauvais présage et se tient sur ses gardes.

Bien lui en prend, car l'équipage embauché n'est en réalité qu'une bande de pirates sous le commandement du plus célèbre d'entre eux, Dick Seymour. Celui-ci a planifié l'enlèvement de Jimmy et Nelly Stone, afin d'exiger de leur père une rançon de plusieurs dizaines de millions de dollars. Il a néanmoins donné comme ordre d'exécuter Totor, dont la débrouillardise bien française pourrait être un obstacle redoutable à son plan. Traînant son inquiétude dans les coursives du bateau, Totor surprend une conversation entre deux mousses à son sujet, et décide qu'il est temps pour lui de quitter le navire.

Alors que la mutinerie éclate et que Nelly est capturée par les pirates, Totor et Jimmy ont juste le temps de sauter hors du navire dans la mer. Après quelques brasses, ils échouent sur une petite plage déserte sur une île au nord de l'Australie.

Et là, forcément, on se dit : "Non, il ne va pas quand même pas nous refaire la même histoire ?".... Et si ! Car Louis Boussenard est un sympathique escroc, qui ne craint pas le ridicule. Ayant copié son nouveau héros sur son précédent héros, il ne voit pas pourquoi il ne copierait pas aussi son nouveau récit sur celui qui précède. Nous voilà donc repartis pour un merry-go-round survivaliste, également en forme de course-poursuite, non plus contre les "bushrangers" et leur chef cruel, mais contre les pirates et leur chef cruel.

Heureusement conscient de cette répétition et d'avoir épuisé tout le caractère réaliste de cette robinsonnade, Louis Boussenard reprend les mêmes personnages, mais pour leur faire vivre des aventures bien plus fantaisistes qui, au final, en représentent une variation inspirée, d'autant plus que l'imagination de l'auteur est parfaitement baroque : Ainsi, parvenant à construire un radeau, les deux jeunes garçons le transforment en hors-bord en balançant un lasso au cou d'une baleine (?), laquelle les traîne ainsi jusqu'en Polynésie. À nouveau échoué sur une île tellement déserte qu'il n'y a pas moyen d'y trouver des silex ou des branches suffisamment épaisses pour y faire du feu, Totor a l'idée ô combien biscornue de se diriger vers le cadavre encore frais d'un narval échoué sur la plage. Avec un couteau, il lui ouvre l'oeil, s'empare du cristallin, et se sert ensuite du cristallin de ce cétacé comme une loupe pour concentrer les rayons du soleil, afin d'enflammer un tas de brindilles. Enfin, cerise sur le gâteau, Totor se retrouvant emmuré vivant par Dick Seymour dans une caverne sans issue, à demi-immergée au pied d'un volcan, il découvre un bâton de dynamite oublié là (quelle négligence !), et décide de s'en servir pour faire sauter la paroi entre la caverne pleine d'eau et le volcan, afin de provoquer une éruption volcanique qui lui permette de fuir sa prison. Au final, l'éruption atteint une telle violence que le jeune homme est projeté à des centaines de mètres dans le ciel, et retombe presque indemne sur le pont du navire ou se trouvent Jimmy et Nelly.

Bref, « L'Archipel des Monstres » relève bien plus du nanar avant l'heure, et ce second degré très subtilement assumé (le style narratif ne change pas entre les deux récits, seuls les évènements sont réalistes dans l'un, et absurdes dans l'autre) permet en fait à Louis Boussenard de nous faire avaler à peu près la même histoire à deux reprises, mais différemment tournée.

Tout cela fait qu'on ne s'ennuie guère à lire ces deux histoires jusqu'au bout, tant Louis Boussenard excelle à relancer savamment l'attention à chacun des moments où elle pourrait baisser, et à changer de posture quand il est en danger de se répéter. Ceci étant dit, on ne peut quand même se dissimuler que l'auteur nous a grandement menés en bâteau tout du long de ses deux récits, et que son livre n'est qu'une vaste accommodation des restes, dans le cadre d'une recette appliquée un peu mécaniquement par un vieux briscard qui connaît toutes les bonnes ficelles, mais les manie avec plus de savoir-faire que de passion.

« Le Fils du Gamin de Paris » n'en a pas moins pour autant le prestige d'un exercice de style littéraire, car précisément, les intrigues ne reposant quasiment sur rien, seul l'immense talent de conteur de Louis Boussenard parvient à faire relativement tenir debout cette histoire sans queue, ni tête, et presque sans rebondissements.

Dans cet avant-dernier roman d'un plumitif sexagénaire qui n'a plus rien à prouver, Louis Boussenard met véritablement son art à nu, tirant peut-être une fierté personnelle de le faire jaillir d'une telle économie de moyens, et de parvenir ainsi à mener son lecteur par le bout du nez durant 400 pages d'enfumage narratif longuement éprouvé.

Si certes on ne s'ennuie guère - ou si peu -, force est de constater que l'on referme ce roman avec la sensation tenace de s'être fait escroquer, mais aussi avec la satisfaction d'avoir été roulés dans la farine par un orfèvre de l'escroquerie littéraire, qui n'a pas négligé ces efforts pour nous jeter de la poudre aux yeux.
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Le tour du monde d'un gamin de Paris

La lecture de ce roman, parfaitement désuet, mais incroyablement agréable à lire, m'a réjouit!

Les personnages et les descriptions des situations transportent le lecteur dans l'aventure personnelle du jeune "Friquet", titi parisien gouailleur, dégourdi et particulièrement attachant.

Bien que très éloigné d'une quelconque réalité contemporaine, de nombreux éléments, dont le style de l'auteur, nous font bien "rentrer dans le sujet" et rendent la lecture du récit quasiment addictive.

Un régal!




Lien : https://domimontesinos.com
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