COIN D'ETANG
Il est un petit lac caché parmi les herbes,
Couvert de nénuphars et tapissé d'iris,
Qui dort et rêve, au pied des peupliers superbes,
Sous les glauques rameaux des vieux saules pourris.
Moi, je l'aime surtout lorsque le jour est sombre :
Il pleut ; tout est silence et repos. L'on entend
Que la chanson de l'eau qui tombe en crépitant
Sur le feuillage lisse et sur l'étang plein d'ombre.
Seule, sur une patte, immobile, écoutant,
Une cigogne boude au bord, triste et pensive.
La sceptique, on dirait qu'elle met en rondeaux
Quelque philosophie étrange et subversive
Pour punir le bon Dieu de pleuvoir sur son dos.
LA LUNE
Dans la nuit qu’elle argente avec son regard blanc,
Faisant hurler les chiens et chanter les poètes,
La Lune pend, légère, ainsi qu’un cerf-volant.
Au milieu des tuyaux longs et des girouettes
Qui dentellent les toit blancs de leur profil noir,
Chagrine, elle poursuit les chattes inquiètes,
En guettant les matous lascifs qui vont s’asseoir
Au bord de la gouttière, elle monte la garde
Devant ces diamants, les étoiles du soir.
Voici l’astre aux blancheurs métalliques qui farde
De craie, au fond du ciel, son masque glacial,
La Lune pâle et ronde, attirante et blafarde,
Comme un suave écu de cent sous idéal.