- La guerre. Nous n'avons jamais connu qu'elle, toi et moi, et tous les hommes de notre âge. Elle nous menace sans cesse, mais elle nous fait vivre - ou survivre, si tu veux. Si elle s'arrêtait, combien d'hommes aujourd'hui, rien que parmi les nôtres, ne sauraient plus que faire ni où aller ? Combien d'années faudrait-il pour les ramener lentement à une vie pacifique qu'ils n'ont jamais connue ? En vérité, ils aiment la guerre. Ils ont un ennemi bien identifié. Leur cause sacrée leur donne une bonne raison de vivre et de mourir. Le sang des autres les saoule d'une ivresse intense. Et quand c'est le leur qui coule, eh bien... sans doute regrettent-ils, sans doute souffrent-ils, mais il est trop tard ! Et puis ils meurent persuadés de mourir en martyrs et cela encore est une ivresse délicieuse, même au coeur de la souffrance...
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Surtout, ne sortez pas, même accompagnée ; ne vous montrez pas même au balcon : le duc de Guise n'a pas encore établi son autorité dans tous les quartiers de la ville et les Parisiens sont enragés. A dire vrai, ils n'ont que la menace à la bouche, ils ont soif de sang, soif du sang des hérétiques et même des autres... Quelle époque, hélas, quelle époque ! Moi qui suis pourtant bon chrétien - la Vierge Marie m'en soit témoin ! - je me demande si Dieu approuve vraiment tous ces massacres commis en Son nom...
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L'un des médecins avait prescrit des cataplasmes à la moutarde forte, un autre, la saignée quotidienne qui affaiblissait terriblement la reine, un troisième avait organisé des fumigations de myrrhe pour purifier ses poumons. Le mage lui préparait tout seul d'étranges préparations à base de mixtures répugnantes, qu'il appliquait sur la gorge de la reine ou lui donnait à avaler avec force gesticulations et incantations mystérieuses.