J’aurais aimé le voir pleurer, crier. J’aurais aimé qu’il me dise « Ne pars pas. » Comment partir, je veux dire, comment partir « vraiment », si on ne vous retient pas ?
Sur la route qui mène au cimetière, je marque un arrêt chez le fleuriste. J’aime les fleurs séchées, parce qu’elles ne fanent pas. Elles ne dénoncent pas le temps qui passe et nos absences.
On se trompe quand on dit de ma sœur qu’elle n’a qu’un vice caché : la marie-jeanne qu’elle fume tous les soirs. Non, son plaisir coupable, c’est l’oubli. Depuis toujours. L’oubli. Oublier son enfance dont je faisais partie. Gommer chaque souvenir. Même les plus heureux. Pour ne plus entendre les cris, les larmes. Pour ne plus sentir les coups. Oublier que nous avons trop souffert. Qu’on ne s’est pas aimées à temps. Pas comme il aurait fallu. Oublier qu’il est trop tard.
Je suis partie, et il ne m’a pas retenue. J’aurais aimé le voir pleurer, crier. J’aurais aimé qu’il me dise « Ne pars pas. » Comment partir, je veux dire, comment partir « vraiment », si on ne vous retient pas ?