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Citation de fanfan50


Entre-temps, l'anniversaire de la mort de Sérioja approchait. Il fallait recevoir une trentaine de personnes, et pas n'importe comment, en mettant les petits plats dans les grands. Mirkas avait pensé à l'anniversaire, lui aussi. Toute la semaine, il avait été d'une humeur massacrante, sa main s'était infectée et on lui faisait des piqûres d'antibiotiques ; et pourtant, en passant près du bureau de Nina, il avait posé une enveloppe devant elle :
"Tu nous invites au restaurant ou tu fais ça chez toi ?"
Nina avait été terriblement blessée dans sa fierté. Du vivant de Sérioja, on ne l'aurait pas humiliée comme ça... Mais elle avait surmonté cet accès d'orgueil absurde et avait écarté de son visage ses incomparables cheveux.
"Merci, Tolia."
Elle avait acheté encore un cochon de lait, de l'anguille et une livre de caviar.
Tôt dans la matinée, Tomotchka se rendit à l'église, elle avait commandé un service funèbre. Nina n'y alla pas ; de son vivant, Sérioja ne supportait pas tout ça. Elle se rendit au cimetière. Elle apporta des fleurs. Il y avait déjà une pierre tombale, elle s'était occupée de tout au début du printemps : une grande dalle gris-noir en pierre brute, toute simple.
Le soir, tout se déroula on ne peut mieux : une table superbe et opulente, comme Sérioja les aimait. Tous ceux que Nina avait envie de voir étaient venus : les amis de Sérioja, son cousin germain avec sa famille, sa soeur célibataire, qui avait une dent contre Nina ; Mirkas avait amené sa vieille femme Vika, peu gâtée par la vie, et non toutes ces petites nouvelles qui s'étaient multipliées autour de lui ces derniers temps, et Nina en fut contente. Il y avait même Mikhaïl Abramovitch, l'avocat qui avait défendu Sérioja autrefois, quand il avait eu de gros ennuis. Depuis, cet avocat était devenu très célèbre, il parlait sans arrêt à la télévision, mais il n'avait pas oublié l'anniversaire de la mort de Sérioja... Tous dirent sur Sérioja des choses gentilles et même en partie vraies : ils évoquèrent sa force de caractère, son audace et son courage, son talent. Il est vrai que sa soeur Valentina trouva moyen de glisser que Nina ne lui avait pas donné d'enfants. Mais Nina ne broncha pas, c'était une page de sa vie sur laquelle elle avait fini de pleurer depuis longtemps. Elle avait pardonné à Sérioja de l'avoir forcée - alors qu'elle n'était qu'une petite sotte éperdument amoureuse - à... Cela lui avait coûté cher. Sa mère, elle, n'avait jamais pardonné. Mais à quoi bon songer à cela maintenant, à trente-neuf ans.
Les invités s'en allèrent tard, emportant dans leur estomac les mets prodigieux dont les avait régalés Nina et laissant derrière eux une table qui conservait encore un peu de sa splendeur, ainsi qu'une odeur de cigarettes coûteuses. Nina renvoya Tomotchka chez elle ; elle s'était grisée comme une écolière et s'était évertuée à vouloir dire quelque chose de spécial à propos de Dieu, ce qui avait mis tout le monde mal à l'aise. Une fois seule, Nina rangea tout sans se presser, bavardant avec Sérioja en son for intérieur, comme à l'accoutumée. Mais, comme à l'accoutumée et comme de son vivant, il ne répondait rien.
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