Depuis ma naissance, des silences, j'en vivais de toutes les couleurs.
Des verts quand je me réfugiais dans mes forêts et mes rivières,
des rouges quand la colère me remplissait le ventre parce que le père m'avait giflée, des blancs quand, pour un tout petit instant, j'arrivais à saisir une parcelle de bonheur.
« L'eau monte. J'en ai maintenant jusqu'à la poitrine. La marée grimpe assez vite. Je n'entends plus que le bruit de l'eau et mon coeur. J'ai l'impression que le pouls de la mer me bat les tempes. Est-ce que la mer garde en mémoire toutes les morts et les désespérances ? Qu'est-ce que ça fait de mourir noyée ? Vais-je étouffer longtemps ou la mer m'emportera-elle dans ses bras, loin, très loin de cette douleur ? »
Parfois la senteur des roses est insupportable.
Surtout à l’anniversaire de la mort de Rose.
L’odeur emplit alors toutes les maisons
et les femmes colorent leurs lèvres de rouge profond.
le jour levé
tu arrimes des échos
à d’autres barques
le soleil lisse tes veines
et tu répares les trous
par où passe le vacarme
(Le jour entaille…, p. 12)
Mon sourire, c’est que je voudrais être heureuse. Le cœur, c’est que j’aimerais que le mien s’ouvre à tout, au monde, aux êtres, à la nature. La fleur, c’est pour les enfants que j’aurai, je veux leur apprendre les fleurs, les mousses et les lichens. Et puis les oiseaux, c’est pour la liberté. Je veux être libre de partir, tout le temps, où que je sois dans ma vie.
Être amoureux, c’est vivre en amants, en amis, être frère et sœur d’une humanité à la fois dérisoire et belle, en pleurer et en souffrir, en rire et traverser des forêts où chaque arbre nous apprend la terrible respiration du monde ; c’est lier nos bras, nos pas autour de la maison, nos silences et nos blessures, des petites phrases et des trop-pleins...
La beauté, ce n’est pas juste dans les couchers de soleil et dans les fleurs, la beauté peut être cruelle dans ses vérités.
Sur le coup, j’eus le sentiment d’être délivrée d’un poids. Enfin je pouvais tout partager et être comprise. Qu’y a-t-il de mieux que deux écorchés vifs qui se comprennent, qui aspirent à une nouvelle naissance, qui croient qu’en se disant tout ils trouveront la lumière parfaite, celle qui noie toutes les horreurs ? Mais plus tard je me suis rendu compte que c’était comme lire un livre que j’aurais eu en dedans de moi, dans la tête, dans le cœur et dans l’âme. Et lire ne m’enlevait pas, ne pouvait pas m’enlever le poids des mots ni toute cette mémoire accrochée à mes parois. Tout cela gisait à l’intérieur de moi et pas un feu, pas un torrent n’en venait à bout. Comme si les souvenirs et les blessures étaient gravés immuablement dans la pierre. (p. 78)
Le désir est un temple et il faut s’y rendre à genoux, enveloppés d’absolu et d’amour.
La seule façon de survivre, c’est de toujours chercher la bonté et la beauté, chaque jour, chaque minute, mais sans oublier notre part de responsabilité dans les atrocités de notre monde.