Lynne Matson

Nil, c’est cette fille qu’on repère au chalet après une journée entière de délire sur la neige, quand on plane de bonheur. Elle est jolie, super sexy. Cheveux longs, tenue moulante, un sourire d’enfer. Elle a un nom du genre… Mallory.
Mais dès qu’on apprend à la connaître, la vérité vient nous déchirer les boyaux. La vérité, c’est qu’elle est cruelle. Sans cœur. Le genre de fille qui couche avec notre meilleur ami quand on a le dos tourné. Et quand le masque tombe, le glamour disparaît. Voilà, c’est ça l’île de Nil. Une beauté à ne pas en croire ses yeux, jusqu’à ce qu’on voie à travers ce qu’elle est vraiment.

Je me suis demandé si elle aimait courir.
Elle a intérêt, a ricané Nil.
A cet instant, j’ai compris que Nil ne jouait plus à la loyale. Parce que j’appréciais Charley encore plus que je haïssais Nil, et je brûlais d’envie de la connaître mieux.
Mais j’allais partir.
Nil a dit pars. Nil a dit reste. Nil était complètement tordue. Ou peut-être que c’était moi.

– Nil. Bon, voilà comment ça se passe. On arrive ici adolescent, entre treize et dix-neuf ans. On a un an… pour attraper une porte, sinon…
Il s’est tu et j’ai cru voir des flammes dans ses yeux de saphir.
– Sinon… ?
– On meurt.

Je me suis arrêtée et j'ai posé mes mains tremblantes sur mes genoux. J'étais épuisée.
- Charley, sans vouloir te vexer, on dirait que tu vas t'écrouler. Si tu veux, je peux finir de te coiffer.
J'ai regardé sa main tendue, estomaquée. J'adorais qu'on me brosse les cheveux. Plus qu'être grattée dans le dos, plus qu'être massée, plus que tout. Et j'avais toujours rêvé de me faire brosser les cheveux par un garçon mignon. Thad venait de m'offrir mon fantasme secret sur un plateau tropical.

Je n'ai pas saisi le compte de ses jours parce que j'étais trop distraite par sa poitrine.

La chance, c'est quelque chose de personnel.

Nous nous sommes remis à marcher, main dans la main, et j'ai pensé que Charley comprenait enfin ce que je ressentais pour elle. Toutefois, je devinais qu'elle n'avait pas encore saisi à quel point Nil était retorse. Le yin et le yang. Pour chaque bonne chose, il y en avait une mauvaise. Nous n'étions que des pions dans le jeu de Nil.

Tu sais ce qu'a dit Maaka ? Que l'île ne mettait à l'épreuve que ceux qui avaient la force de survivre. Ça m'a paru débile, mais parfois, ça colle. Cela dit, ça ne garantit pas non plus la survie.

Fais attention, Skye. Et fais attention à ce que tu souhaites. Certains vœux pourraient se réaliser, et ça ne se passera pas comme tu le crois.

Chaque midi était la promesse de sang neuf, de fierté et de pouvoir. L'appétit de l'île était devenu insatiable. Autrefois, elle avait goûté à l'incroyable puissance de la vie et de la mort à grande échelle, elle en voulait encore. Elle en avait besoin, désespérément besoin.
Et elle l'aurait bientôt.
Le trophée d'aujourd'hui serait le pouvoir de demain.

- Et les pompes ? Tu as fait tes pompes ?
- Pas encore.
- Il faut leur consacrer du temps, Skye. Un corps fort te donne un esprit fort. Ne dédaigne pas tes disciplines uniquement parce qu'elles ne t'ont pas encore servi. Avec un peu de chance, tu ne t'en serviras jamais, mais mieux vaut prévoir le pire et espérer le meilleur.

- A propos de Nil (le mot semblait étranger dans ma bouche), c'est quoi cet endroit ? Comment j'y suis arrivée ? Nous nous sommes éloignés du camp et le grondement de l'océan a faibli. Je faisais attention où on allait, je prenais mes repères. J'étais sur le point de repérer ma question lorsque Thad a répondu.
- Tu as déjà l'émission de télé-réalité Koh-Lanta ?
- Oui.
- Bon, ben, Nil est un peu comme ça, sauf que personne ne débarque avec un sac de riz et ne reçoit de lettres de chez lui. Et, bien sûr, on ne vote pas pour s'en aller.
Une fois de plus, je ne savais pas s'il était sarcastique.

J'ai cligné des yeux... et le zèbre avait disparu. Super. Une hallucination, et il fallait que ce soit un zèbre. Je n'aurais pas pu rêver de Robert Pattinson ou, encore mieux, d'une rivière de boisson énergisante ?

Je vais mourir demain.
Une extraordinaire sensation de calme accompagnait cette pensée. Chaque minute s’écoulait en formant le décompte avant l’inévitable conclusion : la mort.

(Pocket jeunesse, p.416)

Comme dit ma grand-mère, mieux vaut quelques semaines de merveilleux qu'une vie entière de rien de spécial.

J'étais sur Nil, là où on comptait les jours à rebours, là où on vivait comme des morts en sursis.

Une prison est toujours une prison, même si les barreaux sont dorés.

Une blague cruelle
Un coup du sort
Te rencontrer quand il est presque trop tard
Mes jours sont comptés
Mon horloge tourne
Mes espoirs brisés sont des plaies que je panse
On ne vit qu'une fois
Je comprends maintenant
J'ai perdu mon cœur sans savoir comment
Prends-le, piétine-le
Je n'en veux plus
Je saigne, les chances sont truquées
Pour toi, je courrais
Allez Nil
Encore un essai

Les garçons bien sont dangereux, parce qu'il est impossible de dire quand ils seront mauvais. Je le savais, c'était du vécu.

Je ne laisserais pas Nil me briser.