Je partais à la recherche d'un autre monde que mon père appelait le pays des Lumières. Un monde lointain que je ferais mien. Un pays où la littérature n'était pas morte encore. Un pays où je pourrais témoigner des œuvres de mon père. Encore fallait-il que je maîtrise sa langue, la fameuse galère... Sa culture, son histoire et ses travers, car il y en a toujours des travers. Après tout, ce n'est qu'à l'aide des travers qu'on peut faire un livre. (p.80)
C'était mon père, seul objet de fascination dans ce pays. Un homme éteint avec plein de lumière dedans. C'est rare. (p.137)
Madame Giselle se tenait sur ses talons comme une note. (p.163)
Succéder à un rentier, voilà qui est facile, mais à un créateur, voilà une rude épreuve. On jouit de la richesse, les œuvres on les subit. (p. 135)
C'est dur au départ de se faire de nouvelles connaissances, même vaguement amicales, dans cette France qui se prétend si fraternelle (p. 104)
Je me souviens d'une de ces voix marocaines que mon père appréciait. C'était Naïma Samih. Dès les premières notes, une âme nouvelle s'emparait de notre maison. Ça soulevait des évocations lointaines chez mon père. À la manière dont il posait la tête sur sa main accoudée à l'oreiller, je comprenais que fut une époque où les musiques ne vieillissaient pas. Une marée de souvenirs lui coulait dans les veines. Ses poils se hérissaient de réminiscences. Puis les musiques se succédaient. des titres et des chansons dans lesquels mon enfance avait baigné et qui résistaient au temps.
À une époque, on savait à quoi s'en tenir, tandis qu'aujourd'hui, tellement les titres foisonnent, on a même plus le temps de construire le moindre souvenir avec. C'est toute ma génération qui apporte ses ratures aux suivantes. Que du brouillon.