Peur et courage, joie et tristesse, haine et amour, lucidité et confusion, raison et folie, ordre et désordre, simplicité et extravagance, humilité et vanité. Ses émotions s’amplifiaient durant cet étrange voyage. Combinés, ces parfaits contraires lui comprimaient la tête dans un étau. Une détresse mentale comme il n’en avait jamais connue et qui, il le sentait, le rendrait fou sous peu.
Il cherchait alors à s’échapper, à rebrousser chemin dans cette étendue vierge.
Malheureusement, il s’enfonçait encore plus dans la tourmente. Et la souffrance physique croissait, de l’abdomen au cœur. Parfois, il sentait comme un feu le brûlant intérieurement, à d’autres moments comme des poignards le perçant de toutes parts. Il se réveillait alors, la main crispée sur son thorax, allongé sur son clic-clac.
Quand on se laisse aller par l’émotion, deux choses – parmi les nuances de réactions d’un individu – peuvent se produire aux grands extrêmes.
L’émotion nous domine, nous contrôle. Nous oublions d’être rationnels et devenons primitifs, instinctifs, destructeurs, prisonniers de notre condition physique et de nos envies égoïstes. Tous nos actes nous tendent alors vers le chaos. Les criminels, les tyrans, tous sont rongés par cet état.
Ou bien l’émotion nous rend positifs, forts. On se laisse alors guider par des sentiments galvanisants, ce qui nous fait entrevoir notre potentiel de création.
Le moment pour toi d’apprendre à rêver. Écoute bien Gamin, tu vas encore revoir ces Lumières, c’est ton lot quotidien. Sauf qu’à partir de ce soir, tu tenteras plus de t’échapper. Quand elles te bombarderont d’émotions, tu vas les accepter, et essayer de les séparer. Sépare les contraires pour gérer tes troubles. Tu verras, après avoir réussi ça, le sommeil te sera différent. Non seulement tu dormiras et te réveilleras quand tu veux mais en plus tu contrôleras tes rêves, comme si tu les imaginais éveillé. C’est ce qu’on appelle le « Premier Pas du Rêveur ».
Deux choses attiraient le regard des badauds du boulevard Auguste Blanqui. La première, des mots de Victor Hugo, datant de 1872, écrits à la gloire de l’écriture et de la liberté d’expression. La seconde, une caricature d’un dessinateur bien connu du journal : deux colombes aux ailes en forme de journaux, tenant dans leur bec un rameau d’olivier, se faisaient face aux extrémités du planisphère. Un symbole de paix.
Bien que jeune amateur d’art-martiaux, il abhorrait la violence. Se battre sur un tatami n’était pas vraiment se battre mais plutôt tester son corps. Échanger avec l’adversaire, que l’on respectait avant tout, apprendre de lui et lui apprendre également. Le peu d’altercations qu’il avait pu avoir s’était terminé sans heurt, quitte à ce qu’il se débine. Tant que le contact physique s’évitait, il était en paix.
Quand il était interrogatif, son regard se dirigeait vers le haut, comme si la réponse se trouvait dans les astres. Les différents aspects de sa personnalité apparaissaient successivement à Lydia. Autant de spirales qui l’hypnotisaient et la fascinaient à cha-que nouveau virage.
Tu lis beaucoup trop de romans à l’eau de rose, on est dans le monde moderne, ma vieille. L’égalité homme femme, c’est le mot d’ordre aujourd’hui. On a payé pendant des centaines d’années, à vous maintenant.
« Qu’est-ce que le rêve ? Un travail permanent de l’inconscient qui prend le pas sur le conscient, la manifestation des désirs cachés ou des peurs de l’esprit, le voyage intérieur, etc. »
— Arrête tes simagrées. Les vieux singes savent mieux faire la grimace que les jeunes, paraît-il.
— Tu me compares à un singe, Gamin ?
— N’es-tu pas en train de te comporter comme tel ?
Un physique attrayant lui valait un certain succès. Succès qu’il n’hésitait pas à mettre à profit pour briser des cœurs en toute légèreté.