Vidéo de la lecture autour de "Des frontières et des femmes" de Manuela Parra à l'Espace Castel de Lunel, le 16 mars 2023 _1
Il est des champs de vagues
Blanches écumes alignées
Désertées par la mémoire
Que le matin oublie de réveiller
« Plus tard, ma mère avait été invitée en Espagne à témoigner sur son passé de Résistante en France. Elle était très âgée et je l’avais accompagnée.
À la question qui lui était inévitablement posée "à seize ans, n’aviez vous pas peur d’être tuée ?", elle prononça lentement comme à l’accoutumée de sa voix affaiblie par l’âge : "Il fallait le faire et tout le monde l’aurait fait."
Mais cette fois-ci, je la vis baisser tristement la tête et après un long silence, la relever pour ajouter : "Mais tout le monde ne l’a pas fait."
Voilà, la vie d’Herminia, la Résistante, ma mère. »
Emporté par la fougue de sa jeunesse, il oublie que pour sa mère, résister relève de la banalité quand il s’agit de garantir la liberté, ce bien commun indissociable des valeurs d’humanité.
Dans une larme
il y a une histoire
la larme sèche
l’histoire reste
cicatrice ou empreinte
J’ai appris de leur histoire l’engagement, la résilience, la joie du peu, la force de l’apprentissage, la ténacité, le courage, la solidarité.
J’ai surtout compris que les racines n’ont pas de frontières quand on porte la liberté en soi.
On ne choisit pas de naître de l’exil, on le subit écartelée, oscillant sur une frontière bancale.
Il y a des jours où je voudrais coudre mes paupières pour ne plus lire ce monde que j’imaginais transparent comme le verre.
À présent, je le vois fragmentée, cristal pulvérisé en mille éclats de peines qui brisent les rêves.
Au fil des jours, je sens mon cœur s’effilocher et mes larmes coulent au rythme du bruit des gouttes de pluie.
L’âge est parfois une pierre lourde jetée dans l’eau. Elle vous entraîne vers le fond, c’est inévitable.
J’entends toujours les cris parmi le roulis.
Il y a ceux des autres et il y a les miens. Avec le temps, ils sont devenus silencieux. Je les ai enfouis au plus profond de mes entrailles.
Il paraît que la géographie du cœur n’a pas de frontières.
Suzana est fatiguée. Faire défiler sa vie l’a épuisée. Elle se retrouve dans sa chambre et pense à un monde sans frontières et sans guerres où les hommes arrêteraient de se déchirer à force de vouloir tout posséder.