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Citation de margueriterothe


Dans la pénombre de la chambre, elle ferme les yeux. Elle se revoit marcher d’un pas pressé le long des rues. Elle se dépêchait, comme en retard à un rendez-vous. Maintenant, derrière ses paupières closes, la lumière éblouissante du matin repousse l’ombre de la nuit. Place de la République… Rue du Port… La tête vide de toute raison, mais pleine de soleil, de lumière, elle va vers Lui. Elle avance dans cette artère comme si celle-ci n’avait été qu’un long couloir nu et gris.
Voilà…
Assise sur le banc intégré à une jardinière qui déborde de pétunias, elle a le sentiment d’être non pas en dehors, mais à l’intérieur du temps. Juste là. Saturées et violentes, les couleurs claquent dans l’espace. Partout, il y a de grandes dégoulinades d’or, de cuivre, d’amarante. Et ce bleu azur. En haut, en bas. Partout. Dans toutes les nuances imaginables. Un pur bonheur. C’est comme une sorte de mélodie visuelle, juste composée pour ces régions de l’âme qui cherchent toujours à s’envoler. Sur l’eau marine du port, les taches de gas-oil irisées s’étalent paresseusement. L’air frémissant de chaleur paraît scintiller. Avide, son regard va d’un point à un autre. Il veut tout. Ne rien oublier. Par la rétine, il veut imprimer à la mémoire les ocres rouges ou les jaunes fanés des immeubles. Il veut cette barque au lamparo baptisée BARABBAS, et puis aussi toutes les autres, toutes ces coques blanches ou colorées qui flottent mollement sur l’eau morte. Tout voir. Ne rien oublier. Même ce sac de plastique qui ondoie entre deux courants, assigné pour on ne sait combien de temps à ces eaux qui sont pour lui comme un purgatoire. Dans son esprit, des mots s’alignent dans un ordre presque parfait. Vite. Elle sort de son sac de quoi écrire et les note sans réfléchir. Vite. Comme on le fait avec les mots farouches, difficiles à capturer. Mais ne devient pas chasseur de mots qui veut. C’est son cas, elle le sait. Maladroite, quand après coup elle relit ceux qu’elle vient d’emprisonner sur le papier, ils lui apparaissent souvent tristes et misérables. Muets, ils n’expriment plus rien de ce qu’elle avait cru saisir. Elle déchire le papier-prison. Mots-confettis pour idées mortes.
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