"Quoi qu'on fasse [...], la mort laisse toujours des regrets."
"Quand tu marches toujours à pied, des horizons, tu en connais tant et plus, se dit Bonavita. Mais ce qui manque à l'horizon c'est le coeur de l'homme."
Février fougassier et amateur de crêpes faisant prévaloir, malgré tous les gels, Carnaval charbonné, affublé d'oripeaux, hilare.
C'est la saison où les femmes s'en vont au revers des ribes cueillir la doucette et les chicorées amères dont il faut faire une cure au printemps, parce que ça dépure.
Mars fut rude, qui grilla les premières feuilles ayant cru bon de se déplier dans un chaud rayon.
"Le chômage pourrit un homme. Qui pourrit d'un biais, sui de l'autre. Qui devient poitrinaire. Qui devient fainéant comme une limace."
Le ciel appuie sur le corps de la terre son flanc léger.
Croupes remontantes, les collines étendues s'offrent à la caresse bleue, toucher qui partout erre, cherche, veut tous les reliefs, entre dans les secrets replis.
Le ciel est tout près, bleuissant ici, sous ces lauriers noirs, mêlé aux nuances de ce blé, à l'argent de ces oliviers. Du firmament choit dans cette ravine, là.
"Le village étale sous le ciel uni la nudité de ses toits roux, s'accote entre des terrasses d'oliviers, épouse l'adret ensoleillé qui penche. Ses pieds baignent dans des près et des vergers fleuris.
Les vieilles tuiles déteintes, les murs ayant perdu au fil des saisons leur crépissage, rien de ce village ne dépare au sein de la colline verte. Tout y est couleur de temps, de rocher. Et quand le soleil se couche derrière les oliviers, le pâté de maisons sordides aux toits inégaux a un plein relief, offrant la plus riche confusion de murs agglomérés, dorés ou rosés, ou couverts d'ombre noirs.
A flan de coteaux et sur la plaine, les maisons, tassées au coeur de l'ancien village, s'étalent mieux alentour, sur la pente abritée aussi bien que là-haut, où souffle un vent dur.
La place, vaste, est sur le plateau, avec de maigres noyers et érables qui ronge la poussière, que mutile le vent, que dessèchent une terre sans eau, les longs étés sans pluie.
Les jours de mistral n'y sont pas gais.
On mange de la poussière. Ceux qui marchent dans le vent, se sentant légers comme la feuille, semblent glisser. Les autres, tête baissée, souffle court, n'enfoncent qu'avec des poussées, des arrêts, des pas de côté, dans la dure épaisseur de vent."
Sous son regard elle se sentait bousculée, tremblante comme un arbre dans le vent.
LE PLUS BEAU DE MES POÈMES
Plus beau qu'un massif de roses,
Le plus beau de mes poèmes
Gît au fond de moi
Je ne dirais pas cette chose.
Le plus vrai de mes poèmes
Gît au fond de moi
Je n'ose
Le traduire, ce poème,
Au fond de moi,
Plus beau qu'un massif de roses.
Je n'ose
En l'exprimant il devient prose.
mon beau poème
Ma foi
Mon poème,
Ma joie !
Reste au fond de moi !
"Dans la moyenne Provence, à l'est de la vallée de la Durance, sur le grand plateau d'une altitude de cinq à six cents mètres, entre deux villages : V... et P..., distants de quinze kilomètres, s'étendait autrefois une grande et belle forêt de chênes coupée en son milieu par la route reliant les deux localités. Ceux des paysans de l'endroit qui n'étaient pas très familiers de ces bois ne s'y hasardaient pas souvent, les jours nuageux, craignant de s'y égarer. C'est qu'on y perdait facilement le nord. Le moyen, en effet de se reconnaître, si l'on s'est imprudemment écarté de son sentier et de ses repères alors que, dans ce pays de vaste horizon, on n'aperçoit plus les collines éloignées n'ayant au-dessus de soi, dans la forêt touffue, que les voûtes hautes de chênes. Le paysan égaré perdait vite ses sens. Superstitieux, en proie à la terreur, il pensait avoir été victime d'un maléfice, avoir foulé une herbe méchante et enchantée, une marrido erbo.
La peur de la marrido erbo remonte à quelques décades et n'existe plus ici. Ce n'est pas que chez le paysan toute superstition soit vaincue. C'est que les bois on été décimé. On ne parcourt plus maintenant des kilomètres sous les voûtes des chênes.
La calirière maigre, la lande aride et caillouteuse ont, sur de larges espaces, remplacé la forêt touffue qui masquait l'horizon."
Extrait de "Aube" de Maria Borrely
"Le temps est comme l'Asse, dit-elle, il passe en détruisant..."