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Critiques de Marianne Denicourt (2)
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Mauvais génie

Comment être dure sans être méchante avec quelqu'un d'odieux ?

Marianne Denicourt, sans doute aidée par les grandes qualités de plume de Judith Perrignon y réussit fort bien. En plus c'est intéressant de lire sa réflexion, ou plutôt le démontage de pseudo réflexion sur la création.

Comme dans tous les conflits où on est pris à partie, on est soit témoin compatissant, et même réjoui par le pugilat et la semble-t-il victoire (l'odieux ne l'atteint plus), soit pris en otage par celle qui prend la parole.

Je ferais plutôt confiance à cette dernière .

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Mauvais génie

En pleine sortie du dernier film de Desplechin Frère et Sœur, j’ai eu envie de me pencher avec beaucoup de retard sur le récit de Marianne Denicourt mettant en scène le réalisateur. Je voulais écrire un billet aussi lapidaire que celui-ci (120 pages) et puis… impossible tant cette histoire me parait passionnante et problématique sur le processus de création.



Contexte : En 2002, Denicourt, ex compagne de Desplechin et actrice de ses 3 précédents films, apprend par le petit milieu du cinéma parisien qu’un scenario de son ex fait le tour des actrices du moment. Problème, cette histoire reprend des épisodes à peine décalés de la vie de Marianne Denicourt, épisodes tragiques et encore douloureux (mort d’un amoureux a 20 ans alors qu’elle était enceinte, mariage posthume afin de donner le nom du père à son fils, maladie puis mort de son propre père…).

Ce film se fera finalement et s’appellera Rois et Reine. Denicourt se sent dépossédée de sa propre histoire et intente en 2006 une action en justice pour atteinte à sa vie privée dont elle sera déboutée, le Tribunal considérant que, malgré les évidentes similitudes et l’annexion par le réalisateur de sa propre vie, celui-ci «a créé une œuvre de fiction qui ne saurait se réduire aux identifications alléguées ». L’auteur se trouve protégé et justifié par la Justice, même si le Tribunal convient de la souffrance de l’actrice et d’un manquement du réalisateur aux « exigences de délicatesse ».

A partir de là, que reste-t-il à l’actrice ? Quel moyen pour se faire entendre ou plutôt faire comprendre de l’intérieur ce que signifie de se sentir dépouillée de sa propre vie ? Marianne Denicourt, aidée de Judith Perrignon , a pour moi choisi la voie la plus digne et ludique, la voie de la création, rendant coup pour coup avec panache. Arnaud Desplechin devient ainsi Arnold Duplancher, égérie de l’intelligentsia parisienne, en recherche éperdue de reconnaissance et s’abreuvant d’idées de penseurs trop grands pour lui, onctueux, lâche et j’en passe. La théorie de Denicourt serait la rancune d’une séparation mal digérée et en effet, je serais plutôt prêt à la croire, ne serait-ce qu’au souvenir d’une lettre proprement dégueulasse (et inventée celle-ci) qu’un père écrit à sa fille sur son lit de mort dans le film en question, prétexte de Desplechin pour déverser toute son amertume envers l’actrice ayant inspiré le personnage. Le portrait est à charge mais souvent drôle, cette vengeance a de la classe. La lettre de l’actrice au réalisateur à la toute fin du récit (réelle/inventée ?) nous laisse avec un petit sourire narquois et cathartique, bien joué, il l’aura pas volée celle-là ! Le costard bien taillé lui servira pour les vingt prochaines années.



Alors, oui, on assiste à un règlement de comptes par œuvres interposées mais avec vivacité et esprit, une réponse de la bergère au berger nous présentant l’auteur en vampire, suçant la substantifique moelle de ses proches et n’étant pas à son coup d’essai. Tout cela remet l’œuvre entière de Desplechin en perspective, lui qui puise nombre de ses scènes et personnages dans la part douloureuse de sa vie, de ses rapports à ses proches pour les fictionnaliser, au risque d’en froisser plus d’un. L’auteur est-il tout puissant, les personnes de chair et d’os à l’origine de certains de ses personnages ont-ils droit à la parole, droit de réponse, ou sont-ils condamnés à l’exsanguination ? Où se situe la frontière entre l’inspiration et l’appropriation ? Un auteur peut-il vous exproprier de votre propre vie, cette vie que vous savez votre jusque dans la mémoire de votre corps marqué par vos expériences ? OK, je redescends.



Bref, Marianne Denicourt a parfaitement réussi son coup et son récit… et cela n’empêche en rien le nouveau Desplechin d’être un énième règlement de compte tout en étant formidable.

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