Deuxième partie de notre rencontre avec Marie-Claude Vincent pour la sortie de son livre "À demain, Lou" aux Éditions Robert Laffont.
" On peut se souvenir très longtemps du regard, du satiné d'une peau, de l'emplacement d'un grain de beauté , de l'odeur d'une chevelure .
Mais la voix , le rire, les particularités d'un accent, tout cela s'évanouit .
On a beau essayer de se souvenir de toutes ses forces, le chant singulier d'une voix tombe en premier dans l'oubli ....Ses éclats de rire en cascade, ses chuchotis , ses OH, ses. AH ....."
"On peut dire, comme tu l'as fait tout à l'heure, qu'elle est partie, mais c'est plus juste de dire qu'elle est morte. Parce que, quelqu'un qui est parti, on s'attend à ce qu'il revienne".
Mais j'ai constaté qu'en plus d'être muettes, les étoiles sont sourdes. Il ne faut rien en attendre , mon petit, elles filent au moindre souhait qu'on leur adresse d'en bas, je te préviens au cas où.
[p134]
Etre parti ou perdu, ce n'est pas mourir, que je sache. Les gens partent à la mer ou à la montagne. Ils partent travailler ou juste faire un tour. Ils peuvent perdre leur travail ou perdre la vue. Perdre patience, perdre la face. Ils peuvent à la limite perdre un petit enfant entre les rayons d'un grand magasin pour le retrouver ensuite à la caisse centrale.
Moi, je m'appelle Jules. Je suis assez vieux, comme tu peux le constater, et muet de naissance. Pour couronner le tout, je suis analpha. Les gens disent analphabète, il faut toujours qu'ils en rajoutent. Ce n'est pas parce qu'on ne sait ni lire ni écrire qu'on est bête.
[p9]
« J’avais douze ans. Je croyais que la vie, c’était ça. (…) Je croyais que ça n’aurait pas de fin. »
Je crois, petit Léo, que les peurs qu’on ne peut ni nommer ni regarder en face, ce sont les pires.
Comme les attentes, toutes les guerres ont une fin. La guerre de Cent Ans elle-même connut son armistice. Ma guerre à moi ne dura que huit mois. Mais huit mois, dans une vie qui n'en compte que cent cinquante-cinq, c'est une petite éternité.
Je voudrai que la rose
Fût encore au rosier
Et que le rosier même
Fût encore à planter
"La seule chose qui me parait inconcevable, c'est de cesser, physiquement, d'être la petite sœur d'Eli"