Marie Garrau

J'ai dû m'avouer vaincu. Je n'ai jamais réussi à suivre fructueusement le propos de haute volée, issu d'une thèse achevée en 2011 et publié une première fois en 2018. le texte est aujourd'hui réédité, précédé d'une préface écrite en février 2023.

Ces pages introductives éclaircissent l'étude d'un état que nous peinons à reconnaître, celui de notre vulnérabilité, entendu comme "être ouvert - de façon constitutive - à la possibilité d'être affecté par une altérité dont on dépend."

De cette vulnérabilité fondamentale, découle le constat de la dépendance de toute vie humaine à un réseau de relations qui lui préexiste, sans lequel il ne peut subsister ni se développer. L'être humain doit pouvoir faire entendre sa voix au sein de ce réseau, jouissant ainsi d'une relative autonomie, terme sur lequel l'auteure s'étend, en insistant sur les mécanismes de domination, notamment à l'égard des femmes.

J'ai tenté de mettre en parallèle la lecture récente des Vies vides sur le besoin de reconnaissance (Elsa Godart) et un chapitre développant la théorie de la reconnaissance chère à Honneth. C'est la partie la plus lisible de ce corpus universitaire. La reconnaissance par autrui forge notre identité; trois espèces de reconnaissance fonde l'identité : amour, respect et solidarité.

La philosophe plaide pour une double politique de la vulnérabilité.

1/Garantir à tous les conditions d'une vie autonome.

2/Lutter contre les processus sociaux qui accentuent et génèrent des vulnérabilités problématiques. La concrétisation de ces deux objectifs passe par l'instauration d'une démocratie reposant sur les trois piliers de la délibération, de la contestation et de la participation.

Dit ainsi, cela paraît évident. Le propre d'une thèse est d'étayer son postulat, ce que Marie Garrau réussit exhaustivement. Elle-même a connu la précarité entre 2012 et 2016. Elle affirme en connaissance de cause l'utilité de nous penser toutes et tous comme vulnérables, à des degrés divers, et de comprendre à quel point nous dépendons des autres et à quel point nous sommes capables de les affecter. Nous sommes sur le même bateau, à nous de trouver le bon cap.

Au sein de la constellation désormais foisonnante de ces travaux, Marie Garrau construit un paradigme dense et original des politiques de la vulnérabilité et se donne pour double horizon de repenser le concept d’autonomie et d’esquisser une théorie de la justice sociale.
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