Marie-Hélène Montpetit

Je renais sous la lune en coléoptère
en éphémère d’été sous les faisceaux
mais la nuit se referme sur moi quand je plonge
alors le silence avale au fond des choses
ma robe d’eau
la crête gercée de mon étoile

Puis la mer froide entame notre dialogue
gruge des parts de nos visages
mais malgré l’éloignement
cette ferveur persiste
m’aimante
Des marées puissantes me charrient dans l’hiver
Une onde vigoureuse me saisit m’accapare
je suis envoûtée par elle
je lèche ses plages nues
prise au piège des merveilles de l’éblouissement

Le réel m’offre des pans suaves
que je ne peux pas goûter
Un bonheur inemployé me fait tourner à vide
Il m’élève
gruge ma patience
me fait crier au bout de mes branches
des noms de la beauté
dont j’enfouis
les tambours
le paysage aimé
dans la case de nuit
de mes habits de somme

La lune balayait la cour
L’orage allait venait mais le ciel restait là
Nous ouvrions nos bras
sans crainte nous avancions
dans ce sens et dans l’autre
sans chercher sans savoir
et dans ce mouvement, des fleurs surgissaient

à la racine de l’eau
nous avancions nos bouches

Les rôles principaux de cette histoire
ont déjà été distribués
mais il m’est permis d’être une icône
dans un livre d’images
J’aimerais avoir d’autres vies à brandir que la mienne
dans les aérogares et les espaces publics

Nous nous frôlons dans des jeux d’ombre
comme des enfants déraisonnables et doux
passagers d’un train sourd
qui nous transporte et nous dépose
dans des lieux insolites
où nous souffrons du froid

La douceur se répand comme une eau dans la chambre
Je me souviens
d’écorchures aperçues sur ton torse
et de la largesse du ciel sans nuage
qui remontait le fleuve tandis que nous parlions

La lune prenait nos corps
et des jardins naissaient
ce n’était pas la nuit mais un jour somptueux
liséré de traits noirs
la part horizontale du tableau
que heurtait
la trombe de l’orage