Marie-Josée Christien

Rembrandt a bien vu que c'est l'ombre qui donne la lumière.

L'art n'est pas un reflet de la réalité. Il est partie intégrante du réel.

Dans le sursis d'une marée basse
propice à prendre pied
et à éprouver
quelque chose de consistant

il suffit
d'une parole de trop

et tout semble au bord du naufrage.

Presque mort
et pourtant en vie encore
l'arbre
sait refermer ses plaies.

Rester digne rend la vie habitable.

Temps morts
 
 
Au fond des mots
épris de nuit
mon silence
a longtemps erré
dans l’écho
de sa langue à naître

j’adopte
la marche anonyme
réponse de ce qui
en moi
respire la terre.

Temps morts
 
 
Des chemins d’ombre
tressaillent
de talus en talus
et ensemencent d’échos
le flux des voix
qui s’éloignent

bivouacs des mémoires
sans carte ni cadastre
où le souffle
s’épuise.

Temps morts
 
 
La flamme s’impatiente
le silence
après toute question
espère et tremble

comme une défaite.

Temps morts
 
 
Le silence
s’arc-boute
relevant plus loin
l’air possible

tout s’est assourdi

On essaie de s’enraciner
plus loin à l’intérieur.

Temps morts
 
 
L’ébauche du jour
dénoue
le lacis des vents

les pores de la terre
exsudent la lumière
circulant dans la courbe de l’exil

la voix
qui me fait écho
n’est plus la mienne

elle ne craint plus les lenteurs
inexorables.

Le puits de Lascaux


Extrait 3

Le fond resserré du puits
attend
la vie qui se perd
et signe
la permanence du désespoir.

JE CREUSE LES MOTS…


extrait 1

Je creuse les mots
qui tiennent en éveil
au bord de la falaise

un étroit passage
imperceptible et fragile
entre être
et vivre.

La nuit efface tout
pour faire place
au matin
tout neuf

La rumeur des siècles
délivre
une entaille dans la nuit

La peur de vivre
à vif
nous habite
jusqu'à l'os

Nous sommes ces atomes quantiques
captifs d'une autre légende.

cantique de l'énergie
le paysage
a ses raisons d'être.

La langue n'est pas le sujet du poème. Elle est seulement le matériau qui le sublime.

La poésie n'est pas un supplément d'âme. Elle est l'âme même.

Ne pas confondre vivre en poésie et vivre de la poésie.

La poésie est un état de veille.

Un vrai poète se reconnait à sa capacité de sortir de lui-même et de dépasser l'horizon de sa propre parole, à son désir généreux de partage.

Les poètes belges me semblent d'une fantaisie pure, absolue. Celle des poètes bretons est plus mélancolique, grave.

Tu
Cet autre moi
Cet émoi
qui me porte jusqu'à nous

Jusqu'à ta parole
Qui témoigne de moi

Son temps illimité
dépasse l'horizon du nôtre

Dans la nuit tatouée
par le souffle du vent
prépare ton matin
comme l'aube du premier jour

va vers ton feu.

Dans le labyrinthe insondable
du souvenir
s'engouffre la lumière
calcinée
des tendresses

au tamis de la vitre
les rêves s'ensilencent
dans le bruit de l'ombre.

 
 
j’aguerris mes larmes ?