Le numérique ne peut être ramené à un simple outil technique. Son emploi pèse sur l’objet lui-même et modifie indéniablement une part de notre approche, que ce soit par le passage du livre au texte, par la constitution d’un corpus de masse, par un traitement en termes de données et de métadonnées, ou par une nouvelle mise en visibilité. En bref, il amène nécessairement à l’évolution de nos pratiques de chercheur. Dans notre cas, il ouvre surtout à des explorations transversales par visualisation. Or, cet aspect constitue un apport majeur car il met en place un nouveau « régime de visibilité ». En effet, le recours à des méthodes de visualisation, par des graphes, des nuages de mots, des cartographies, etc., rend apparents des phénomènes littéraires qui échappaient jusqu’ici à l’œil humain, soit parce qu’ils appartenaient à l’agencement textuel lui-même, soit parce qu’ils ne pouvaient être révélés que par un traitement de masse significatif. Le numérique modifie pour ainsi dire la position du chercheur entre ses deux infinis ; il lui fournit une nouvelle visibilité de son objet qu’il ne pouvait à lui seul embrasser.