Donc, je suis restée. J’ai contemplé ce bout de papier. J’ai attendu toute la journée. D’habitude, je sors faire quelques courses. Je me rends à l’association trois jours par semaine. Ce n’était pas le bon jour. Je n’ai pensé à rien d’autre. J’étais pétrifiée. J’avais peur de ce que je déchiffrerais à grand-peine.
Quand Idriss et Souad sont arrivés, j’ai demandé à ton frère : « Lis ».
Il a déchiré l’enveloppe, déplié le papier. Il n’y avait pas grand-chose d’écrit. Juste : « maman, je pars en Syrie. Tu n’as pas le droit de m’empêcher d’être heureuse. Je vais me
marier et vivre selon ma foi. »
Rien d’autre. Pas même un mot pour les petits. Ni « Je sais que je vais te faire souffrir. Pardonne-moi. Je t’embrasse. » Tout ce que j’avais imaginé pour adoucir ma peine.
Ce mot, froid et sec, ressemble à celle qu’elle était devenue.
Distante. Sèche. Ma petite fille, si affectueuse autrefois. À quel moment ai-je commencé à te perdre ?
La blancheur de l’enveloppe se détachait sur le noir. Je l’ai saisie. Elle m’a fait l’effet d’une braise. Elle était froide, mais j’ai eu l’impression qu’elle me brûlait les doigts. Je ne l’ai pas ouverte. C’était inutile, je savais déjà ce qu’elle contenait.
Tout ce que je n’avais pas compris ces mois derniers est devenu clair. Les pièces du puzzle se sont assemblées.