Marion Roudaut

Le Dragon s’appuya contre un tronc et aventura une main sur l’épaule de Kagrann. La figure du Nain s’allongea de deux pieds.
— Tu… Tu cherches ton prince charmant, ma… ma p’tite beauté ? J’peux t’aider, moi…
Cassim déposa un bisou sur la joue barbue. Kagrann blêmit.
— Haha, tu piques…
Un poing vengeur le cueillit à la tempe. Cassim bascula en arrière, les quatre fers en l’air, et des ronflements s’échappèrent bientôt de sa carcasse sonnée. Merwan s’enfuit à petits pas pour s’occuper d’autres blessés… moins difficiles.
— Tu aurais pu l’endormir avec ta magie, reprocha Morgane au Nain.
— Non. Ma magie laisse pas d’bleus.

D’un bond étonnamment souple, le Nain quitta la branche sur
laquelle il était juché et atterrit à seulement quelques mètres d’eux.
Il ignora le rictus menaçant des jumeaux royaux.
Morgane scruta ses traits, aussi durs que son ton et dévorés par la broussaille de sa barbe noire. Un pur cliché de Nain sur pattes, cet enfoiré.
— Alors, ça vient ?
Il mastiquait les mots de la langue commune avant de les cracher. Les oreilles de Morgane sifflaient dans leur tentative d’une traduction limpide.
Ses yeux noirs, petites billes alertes, cillèrent à peine lorsque la masse du Dragon s’écroula à ses pieds.

— C’est par coquetterie que vous me parlez avec une voix de jeune homme alors que vous êtes vieux de milliers d’années ? Oh mais attendez… Je suis sûre que vous pourriez entrer au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, vous êtes plus âgé que bien des monuments qui figurent sur la liste !
« Petite impertinente », s’insurgea le mage d’une voix tremblante, « je vais t’expédier sur Illion d’un coup de pied magique au derche, tu vas voir ! »

La lumière du levant coulait entre les barreaux de la cellule. Elle habillait les murs de pierre d’un éclat orangé aussi dur que l’acier. Adara porta son regard embrumé vers le Soleil qui amorçait sa course, à la conquête des cieux dont il était le maître.
Une violente quinte de toux la brisa en deux. Du sang perla à ses lèvres. Quelques gouttes dorées s’écrasèrent sur sa tunique en lambeaux.

"Tu n’es pas en train d’halluciner, tu as juste la trouille. Écoute, tourne les talons, annule notre rendez-vous, et je te jure de chantonner dans ta tête toute la playlist de... Patrick Sébastien. Tout au long de ta vie."
Morgane suspendit son demi-tour.
"Vous n’oseriez pas."
" "Aah qu’est-ce qu’on est serr..." "
"Stop ! Stop !"
"Cinq-cents mètres puis à droite, allez, du nerf !"