Mais surtout, surtout ma chérie, n'essaie jamais de modifier la structure narrative d'une histoire autre que la tienne, ce que tu seras sans doute tentée de faire, à l'école ou dans la vie, à la vue de ces pauvres hères qui prennent bêtement des tangentes dangereuses et font des digressions fatales dont ils n'ont probablement aucune chance de s'extirper. Résiste à la tentation. Consacre ton énergie à ta propre histoire. Travaille-la. Améliore-la. Développe son ampleur, sa profondeur, l'universalité de ses thèmes. Je me moque de savoir quels sont ces thèmes - c'est à toi de les découvrir et de les défendre - à condition que, au minimum, y figure le courage. Qu'il y ait des tripes. "Mut", en allemand. Les autres, ma chérie, laisse-les à leurs "novellas", à leurs petites histoires bourrées de clichés et de coïncidences, parfois pimentées du tournemain de l'étrange, du quotidien douloureux ou du grotesque. Quelques-uns, ceux qui sont nés dans la misère et destinés à mourir dans la misère, s'inventeront même une tragédie grecque. Mais toi, mon Epouse du repos, tu n'écriras rien de moins que l'épopée de ta vie. Entre toutes, ton histoire demeurera