AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Mariusz Szczygiel (8)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Chacun son paradis

"Le verger luit de la fleur du printemps,

un paradis terrestre en vue..."



Dans leur hymne national, les Français font appel aux armes. Les Britanniques demandent à Dieu de protéger leur reine, les Hongrois lui demandent de les bénir. Les Russes glorifient la puissance sacrée de leur pays, les Américains font flotter triomphalement leur drapeau étoilé, tandis que les Tchèques...

... ils restent probablement couchés. Quoi d'autre peut-on faire dans un paradis ?

A la rigueur, on peut aussi y boire de la bière et s'empiffrer de knedle, l'un des rares mets traditionnels qui restent encore, depuis que la plupart des merveilles culinaires populaires ont été frappées par les interdictions de Bruxelles. Je soupçonne un peu les messieurs de Bruxelles de ne jamais avoir l'occasion de goûter à un bon "utopenec" bien macéré, mais passons...

Quand vous jetez un oeil sur la liste des pays les plus pacifiques au monde, la République Tchèque occupe une honnête sixième position. C'est que les Tchèques aiment vivre pénards, et ils n'estiment rien autant que les notions de "klidek" et de "pohoda" (calme et bien-être). Dès qu'une bagarre éclate, vous trouverez toujours quelqu'un qui va lever la voix en faisant appel à ce "klidek" légendaire. C'est bruyant, parfois... mais jamais violent.



Bref, c'est un pays qui fascine le journaliste polonais Marius Szczygiel, un grand tchécophile. J'avoue être un peu fascinée par cette fascination, mais les choses qui peuvent sembler naturelles à une Tchèque ne le sont pas forcément pour les autres, et il est toujours intéressant d'avoir un avis extérieur.

Ce livre est un ensemble de feuilletons, articles et interviews qui ont pour but de nous dévoiler la société tchèque actuelle, et sa culture "de la joie et de la tristesse". Szczygiel (ça y est, plus besoin de vérifier l'orthographe à chaque fois !) a un agréable style et un bon talent d'observation, et mes impressions oscillaient sans arrêt quelque part entre la fierté et la honte. "La gêne amusée" est peut-être le mot. Rien que la couverture n'a besoin d'aucun commentaire...



Comment sont donc les Tchèques selon Szczygiel ? Philosophes pragmatiques, individualistes et bon vivants remplis d'un calme légendaire, capables de rire de tout en minimisant leurs malheurs ? Conciliants, tout en se cachant derrière les gentilles provocations à la Chveik ? Les plus grands athées d'Europe ?

Szczygiel est notamment fasciné par ce soi-disant "athéisme". Il trouve quelques explications historiques non sans fondement, et vous allez lire un passage haut en couleurs sur la visite du pape Benoît à Brno. Il se penche ensuite sur les tendances actuelles d'économiser sur les enterrements, assez surprenantes.



La partie la plus intéressante, mais aussi celle que j'avais le plus de mal à digérer, c'est le choix des personnages célèbres censés représenter "l'âme tchèque". Le côté "représentatif" m'échappe, quelque part...

Le sculpteur-provocateur Cerny avec son bassin en forme de Tchéquie entouré de statues qui pissent dedans... je ne sais pas vraiment quoi dire. D'autant plus que le scandale escompté n'a pas eu lieu, car les Tchèques ordinaires préfèrent aller ramasser les champignons dans la forêt plutôt que manifester contre une statue. On pourrait penser qu'ils n'ont aucune fierté nationale, mais il suffit de se souvenir de la liesse collective quand ils sont devenus les champions du monde en hockey sur glace, à Nagano ! Ils en ont même fait un opéra. Certes, le thème principal tourne autour d'un moment hautement comique pendant la remise des médailles, mais peu importe. On sait que les Tchèques ont un sens prononcé de la dérision.

On a aussi (entre autres) le photographe Saudek (qui porte toujours en lui les horreurs de l'holocauste) et l'humoriste Pawlovska (qui aime plus que tout parler de son obésité). Et pour finir, un calibre très lourd : le philosophe Egon Bondy.

Les gens pensent parfois que Bondy est une invention littéraire de Bohumil Hrabal, mais l'auteur polonais l'a rencontré, pour nous faire profiter de quelques poésies et anecdotes de sa "période fécale"...

Excellente nation !

Excellent livre !

La fin est un peu triste, mais même ici, avec le testament du théoricien de l'art Karel Teige, l'auteur montre encore une fois son don pour tout relativiser.



J'hésite sur le nombre d'étoiles... en pensant à cette période avant Noël. Comment cela est-il possible que dans ce pays d'athées on voit partout des crèches traditionnelles, on entend toujours les chants traditionnels de Noël, et que c'est toujours le "petit Jésus" qui apporte les cadeaux ? Le "petit Jésus" savait peut-être bien où se cacher pour survivre à tous les régimes. Avec un petit sourire en coin...
Commenter  J’apprécie          7736
Gottland

un très bon livre sur Prague et plus généralement la condition des artistes sous le communisme. Parfois il est un peu compliqué de suivre quand on ne parle pas du tout la langue ( beaucoup de noms). Un livre juste, recherché qui donne vraiment envie de voyager.C'est un sacré travail d'investigations historiques, tout en restant simple d'accès et passionnant.
Commenter  J’apprécie          360
Gottland

"C'est une histoire vraie, plus ou moins"

(Kurt Vonnegut, Abbatoir 5)



le titre "Gottland" peut paraître mystérieux...cela vous évoque, sans doute, une sorte de royaume belliqueux vaguement germanique.

Et pourtant - n'importe quel Tchèque s'amusera de cette appellation - "mais oui, le Gottland, c'est chez nous !".

Un peu ironique, certes, néanmoins vrai - avec QUI le peuple tchèque a traversé toutes ces années, tous ces régimes politiques, les joies et les misères ? ....Avec le grand crooner national - le seul, l'unique, Karel Gott !

Gott , autant que je sache, était toujours là - à 80 balais il nous a sorti une reprise de "Forever Young" - et je pense qu'il sera là pour toujours....

Les Tchèques ont une légende selon laquelle, quand la nation sera en péril, les chevaliers endormis dans la montagne de Blanik sortiront pour sauver le royaume. Qui sera à la tête de cette armée ? Je ne vois qu'une personne...déjà, les rebelles hussites faisaient fuir leurs ennemis avec le chant...!



J'étais curieuse ce que le tchècophile polonais, le reporteur Mariusz Szczygiel, pourrait bien raconter sur les Tchèques.

C'est un livre de non-fiction, composé de récits courts, épisodes de l'histoire, anecdotes... Szczygiel n'essaye pas de développer les mythes, mais plutôt d'aborder l'âme tchèque avec l'intelligence et humour, sans inventer ou déformer les faits. Il cherche les témoins vivants, fouille dans les archives, et arrive à présenter une galerie de personnages et les événements qui illustrent bien telle ou telle époque.

Attention, ceci n'est pas un livre pour les "débutants" qui veulent apprendre plus sur les faits historiques; ni un guide touristique. le but de ce livre est est de montrer comment cette petite nation au coeur d'Europe a su gérer les changement historiques et politiques - avec quelle soumission et résilience apparente, tout en grattant sous la surface avec rage. Et avec humour, aussi...



Vous avez une histoire de royaume de chaussures Bata - une mini-Amérique transportée dans la ville de Zlin - forgée, tout compte fait, sur le même modèle que celui des communistes (travail à la chaîne, endoctrinement, mode de vie quasi puritain ), mais démantelé et confisqué en 48 par le gouvernement communiste de Gottwald (un autre Gottland, en somme...)

Vous avez une histoire de la belle et naïve actrice Lida Baarova, maîtresse de Goebbels, accusée de la collaboration.

Une histoire de la statue géante de Staline, érigée et détruite sur les hauteurs de Prague.

du groupe punk le plus subversif de toute l'Europe centrale, The Plastic People of the Universe, dont le procès était à l'origine de la Charte 77, instiguée par Vaclav Havel.

Des écrivains et des réalisateurs interdits, tolérés, et ceux qui retournaient leur veste, soit par ruse, soit par lâcheté.

Les histoires incroyables....



Les Tchèques avaient un mot pour tout ça - "kafkarna" - une période absurde à la Kafka; "on sait bien que ça ne va pas, mais on n'en parle pas..."

Alors, sont-ils vraiment une nation de "brave soldat Chveik", un personnage en apparence soumis, mais qui, à la fin, n'en fait qu'à sa tête ? Chveik, sous sa "bêtise", n'est-il pas un rebelle ? Il veut seulement survivre...

Tandis que Jan Hus ou Jan Palach n'ont pas survécu. Et bien d'autres...



Bon, c'est le moment de révéler la terrible vérité.

Que le ciel s'ouvre et la foudre de Dieu me terrasse, mais....je n'aime PAS les chansons de Karel Gott !

....il ne se passe rien ! C'est peut-être parce que (selon l'auteur) les Tchèques sont la nation la plus athée qui soit. Ou parce que Gott (avec son sourire radieux et ses(?) dents éclatantes de blancheur) est un être miséricordieux.

Commenter  J’apprécie          305
Gottland

L’auteur de ce livre, Mariusz Szczygiel, est polonais, journaliste et rédacteur au plus grand quotidien indépendant d’Europe centrale (la Gazeta Wyborcza).

Il a beaucoup d’affection pour ses voisins tchèques (dont il parle la langue), et il a rassemblé dans ce livre différents récits aussi étonnants qu’insolites !

Quant au titre de ce livre « Gottland », il signifie « pays de Gott », donc Tchéquie. C’est le nom donné à un musée près de Prague, à la gloire de Karel Gott, chanteur-vedette tchèque, de renom.



Ces récits nous expliquent comment de nombreuses personnalités tchèques (plus ou moins connues des Occidentaux) ont vécu et subi le totalitarisme et ses dérives.



Cela commence avec l’histoire de la saga Bata et ses célèbres chaussures.

On découvre de quelle façon, cette société va connaître au fil des années, une ascension fulgurante.

Antonin Bata, démarre en 1882, avec un petit atelier de cordonnerie à Zlin, où il emploie 7 personnes, et puis en 1904, un de ces fils, Tomas Bata, va se faire embaucher comme simple ouvrier aux Etats-Unis dans une grosse usine de chaussures… A son retour à Zlin, il va propulser en avant l’activité de la société. Travail et productivité deviennent alors les maîtres-mots de l’entreprise ! Tomas s’avère être un excellent gestionnaire, intelligent, qui sait investir au bon moment, humaniste aussi, mais il a un peu trop d’ego… Il meurt en 1932. Et c’est alors Jan Bata, qui va reprendre les rênes de la société. A partir de de cette année-là, les chaussures Bata conquièrent le monde !

En 1936, le slogan pub de l’année à destination de l’Europe est : « PAS UN PAS SANS BATA ».

Pendant la 2e guerre mondiale, Hitler déclarera : « Les Tchèques sont les plus dangereux des slaves, car ils sont travailleurs. »

En juillet 1939, c’est le Protectorat Bohème et Moravie imposé par les allemands.

Jan Bata va trouver un prétexte pour pouvoir quitter le territoire tchèque…

Plus tard, les communistes feront un procès à Jan Bata pour haute trahison, parce qu’il a fabriqué des chaussures pour les soldats de la Wehrmacht !



Après la guerre, quand les communistes prennent le pouvoir, les autorités tchèques décident en 1949, d’ériger à Prague un monument, le plus grand du monde, à la gloire de Staline, pour fêter ses 70 ans ! Deux ans après la mort de Staline, le monument est mis en place, et le sculpteur se suicide…

Plus tard, en 1961, avec la déstalinisation, initiée par Khroutchtchev, on fera appel à un pyrotechnicien pour détruire cette énorme statue, et celui-ci subit une telle pression de la part des autorités, qu’il met fin à ces jours aussi !



Le groupe de rock psychédélique, The Plastic People of the Universe, le groupe le + persécuté, et le + emblématique de toute l’Europe Centrale, se forme à Prague, 2 mois après l’invasion soviétique.

Ils avaient chanté : « Personne n’est encore jamais arrivé nulle part… ». Cela n’a pas plu au pouvoir communiste en place, qui leur reprochait leur manque total de respect envers le simple travailleur !

Et ils furent jugés en tant que « parasites » !

De nombreux intellectuels sont venus courageusement assister régulièrement aux audiences du procès des membres de ce groupe, et cela a déclenché la création de la Charte 77 par Vaclav Havel.

La Charte 77 symbolisait la force des impuissants. C’était un manifeste qui « prenait la défense des gens privés de leur travail par les communistes et forcés d’effectuer un travail dégradant. »



Pour affaiblir la position de la Charte 77, le pouvoir communiste organise une contre-pétition massive qui sera appelée « l’Anticharte ».

Mais pourquoi donc 76 artistes nationaux, 360 artistes émérites et 7 000 ordinaires ont-ils signé cette Anticharte (alors qu’ils ignoraient totalement le contenu de la Charte 77 !) ?

Pas pour glorifier le régime communiste en place, ni par conviction, mais parce que c’était la seule façon pour eux de sauvegarder leur emploi ! Ils savaient que sinon, du jour au lendemain, ils se seraient retrouvés à passer la serpillière au sol ou à laver les carreaux !

Protester à l’époque, était suicidaire !

Les gens avaient le sentiment + ou – conscient d’être collectivement l’objet d’une menace constante et omniprésente et ils s’étaient lentement accoutumés à ces menaces. Leur seul moyen de se défendre était l’utilisation de + en + banalisée de diverses formes d’adaptations.

Leur signature au bas de l’Anticharte n’était donc pas un acte de lâcheté, mais un acte de condescendance rusée.



Parmi les nombreuses autres histoires, vous apprendrez ce qui est arrivé à Zatopek (ce médaillé olympique légendaire), à l’actrice Lida Baarova (dont Goebbels s’était amouraché), à Jan Prochazka (scénariste tchèque de renom), à Marta Kubisova (la chanteuse star d’un trio), mais aussi à des intellectuels, comme le philosophe Jiri Nemec, la journaliste Eda Kriseova, et Edouard Kirchberger

(Collectionneur de drames), sans oublier Jan Palach, cet étudiant qui s’était immolé par le feu pour protester contre la présence des russes après le Printemps de Prague !

Et puis vous apprendrez ce que signifie « Kafkarna », un mot qu’en 1985 on n’a pas le droit d’employer, qui est prononcé, mais pas écrit nulle part !



En conclusion de ces récits, bien documentés, et riches d’anecdotes intéressantes, il faut comprendre que les tchèques n’ont pas eu l’habitude de se lamenter sur leur sort, alors qu’ils subissaient le Protectorat avec les nazis, puis ensuite le régime répressif communiste pendant de nombreuses années.

Ils sont comme leur symbole national, ce brave soldat Chveik, un modèle d’adaptation réussie !

Commenter  J’apprécie          1610
Gottland

Très courtes touches, couches, successives, qui désignent, qui dessinent le voisin, le lointain, le souffrant sous le joug.
Commenter  J’apprécie          40
Chacun son paradis

Ce journaliste polonais nous fait ici l'éloge des Tchèques au travers de plusieurs figures et anecdotes. Une fois le livre terminé, vous n'avez qu'une envie : aller découvrir Prague et la Boheme.
Commenter  J’apprécie          20
Gottland

Ht Rakuten dans la foulée de ma lecture de COMMENT J'AI RENCONTRÉ LES POISSONS dont l'auteur a été un fervent découvreur et fan. Gottland est un livre de journaliste, historien, amoureux de la Rép Tchèque. Il se présente comme une série d'articles touchants, justes, parfois drôles, souvent tragiques sur des figures du XXème siècle de ce pays. Parfois difficile à suivre car bp de présupposés locaux + noms difficiles. Mais je suis allée au bout avec plaisir + intêret quand même et ne regrette pas ma lecture. Pas de garde.
Commenter  J’apprécie          00
Chacun son paradis

En refermant ce livre étrange et vivifiant, on a le sentiment qu'une forme de surréalisme de velours a permis aux Tchèques de résister au joug communiste et perdure encore aujourd'hui.
Lien : http://rss.feedsportal.com/c..
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Mariusz Szczygiel (39)Voir plus

Quiz Voir plus

Quiz sur l'écume des jours de Boris Vian

Comment s'appelle le philosophe du roman

Jean Sol Partre
Jean Pol Sartre
Sean Pol Jartre
Pean Sol Jartre

8 questions
2809 lecteurs ont répondu
Thème : L'écume des jours de Boris VianCréer un quiz sur cet auteur

{* *}