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Margot Carlier (Traducteur)
EAN : 9782742780686
279 pages
Actes Sud (04/11/2008)
4.17/5   21 notes
Résumé :
Gottland, c'est ainsi que le brillant journaliste polonais Mariusz Szczygiel nomme la République tchèque, en jouant avec le nom d'une vedette de la chanson. Sur ses voisins, qu'il chérit et dont il parle la langue, il signe un livre érudit et magistralement composé où l'on trouve des personnages et des histoires insolites : l'édification du plus grand monument de Staline au monde ; l'ascension et la chute d'une star du cinéma tchèque dont Goebbels était tombé éperdu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
"C'est une histoire vraie, plus ou moins"
(Kurt Vonnegut, Abbatoir 5)

le titre "Gottland" peut paraître mystérieux...cela vous évoque, sans doute, une sorte de royaume belliqueux vaguement germanique.
Et pourtant - n'importe quel Tchèque s'amusera de cette appellation - "mais oui, le Gottland, c'est chez nous !".
Un peu ironique, certes, néanmoins vrai - avec QUI le peuple tchèque a traversé toutes ces années, tous ces régimes politiques, les joies et les misères ? ....Avec le grand crooner national - le seul, l'unique, Karel Gott !
Gott , autant que je sache, était toujours là - à 80 balais il nous a sorti une reprise de "Forever Young" - et je pense qu'il sera là pour toujours....
Les Tchèques ont une légende selon laquelle, quand la nation sera en péril, les chevaliers endormis dans la montagne de Blanik sortiront pour sauver le royaume. Qui sera à la tête de cette armée ? Je ne vois qu'une personne...déjà, les rebelles hussites faisaient fuir leurs ennemis avec le chant...!

J'étais curieuse ce que le tchècophile polonais, le reporteur Mariusz Szczygiel, pourrait bien raconter sur les Tchèques.
C'est un livre de non-fiction, composé de récits courts, épisodes de l'histoire, anecdotes... Szczygiel n'essaye pas de développer les mythes, mais plutôt d'aborder l'âme tchèque avec l'intelligence et humour, sans inventer ou déformer les faits. Il cherche les témoins vivants, fouille dans les archives, et arrive à présenter une galerie de personnages et les événements qui illustrent bien telle ou telle époque.
Attention, ceci n'est pas un livre pour les "débutants" qui veulent apprendre plus sur les faits historiques; ni un guide touristique. le but de ce livre est est de montrer comment cette petite nation au coeur d'Europe a su gérer les changement historiques et politiques - avec quelle soumission et résilience apparente, tout en grattant sous la surface avec rage. Et avec humour, aussi...

Vous avez une histoire de royaume de chaussures Bata - une mini-Amérique transportée dans la ville de Zlin - forgée, tout compte fait, sur le même modèle que celui des communistes (travail à la chaîne, endoctrinement, mode de vie quasi puritain ), mais démantelé et confisqué en 48 par le gouvernement communiste de Gottwald (un autre Gottland, en somme...)
Vous avez une histoire de la belle et naïve actrice Lida Baarova, maîtresse de Goebbels, accusée de la collaboration.
Une histoire de la statue géante de Staline, érigée et détruite sur les hauteurs de Prague.
du groupe punk le plus subversif de toute l'Europe centrale, The Plastic People of the Universe, dont le procès était à l'origine de la Charte 77, instiguée par Vaclav Havel.
Des écrivains et des réalisateurs interdits, tolérés, et ceux qui retournaient leur veste, soit par ruse, soit par lâcheté.
Les histoires incroyables....

Les Tchèques avaient un mot pour tout ça - "kafkarna" - une période absurde à la Kafka; "on sait bien que ça ne va pas, mais on n'en parle pas..."
Alors, sont-ils vraiment une nation de "brave soldat Chveik", un personnage en apparence soumis, mais qui, à la fin, n'en fait qu'à sa tête ? Chveik, sous sa "bêtise", n'est-il pas un rebelle ? Il veut seulement survivre...
Tandis que Jan Hus ou Jan Palach n'ont pas survécu. Et bien d'autres...

Bon, c'est le moment de révéler la terrible vérité.
Que le ciel s'ouvre et la foudre de Dieu me terrasse, mais....je n'aime PAS les chansons de Karel Gott !
....il ne se passe rien ! C'est peut-être parce que (selon l'auteur) les Tchèques sont la nation la plus athée qui soit. Ou parce que Gott (avec son sourire radieux et ses(?) dents éclatantes de blancheur) est un être miséricordieux.
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un très bon livre sur Prague et plus généralement la condition des artistes sous le communisme. Parfois il est un peu compliqué de suivre quand on ne parle pas du tout la langue ( beaucoup de noms). Un livre juste, recherché qui donne vraiment envie de voyager.C'est un sacré travail d'investigations historiques, tout en restant simple d'accès et passionnant.
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L'auteur de ce livre, Mariusz Szczygiel, est polonais, journaliste et rédacteur au plus grand quotidien indépendant d'Europe centrale (la Gazeta Wyborcza).
Il a beaucoup d'affection pour ses voisins tchèques (dont il parle la langue), et il a rassemblé dans ce livre différents récits aussi étonnants qu'insolites !
Quant au titre de ce livre « Gottland », il signifie « pays de Gott », donc Tchéquie. C'est le nom donné à un musée près de Prague, à la gloire de Karel Gott, chanteur-vedette tchèque, de renom.

Ces récits nous expliquent comment de nombreuses personnalités tchèques (plus ou moins connues des Occidentaux) ont vécu et subi le totalitarisme et ses dérives.

Cela commence avec l'histoire de la saga Bata et ses célèbres chaussures.
On découvre de quelle façon, cette société va connaître au fil des années, une ascension fulgurante.
Antonin Bata, démarre en 1882, avec un petit atelier de cordonnerie à Zlin, où il emploie 7 personnes, et puis en 1904, un de ces fils, Tomas Bata, va se faire embaucher comme simple ouvrier aux Etats-Unis dans une grosse usine de chaussures… A son retour à Zlin, il va propulser en avant l'activité de la société. Travail et productivité deviennent alors les maîtres-mots de l'entreprise ! Tomas s'avère être un excellent gestionnaire, intelligent, qui sait investir au bon moment, humaniste aussi, mais il a un peu trop d'ego… Il meurt en 1932. Et c'est alors Jan Bata, qui va reprendre les rênes de la société. A partir de de cette année-là, les chaussures Bata conquièrent le monde !
En 1936, le slogan pub de l'année à destination de l'Europe est : « PAS UN PAS SANS BATA ».
Pendant la 2e guerre mondiale, Hitler déclarera : « Les Tchèques sont les plus dangereux des slaves, car ils sont travailleurs. »
En juillet 1939, c'est le Protectorat Bohème et Moravie imposé par les allemands.
Jan Bata va trouver un prétexte pour pouvoir quitter le territoire tchèque…
Plus tard, les communistes feront un procès à Jan Bata pour haute trahison, parce qu'il a fabriqué des chaussures pour les soldats de la Wehrmacht !

Après la guerre, quand les communistes prennent le pouvoir, les autorités tchèques décident en 1949, d'ériger à Prague un monument, le plus grand du monde, à la gloire de Staline, pour fêter ses 70 ans ! Deux ans après la mort de Staline, le monument est mis en place, et le sculpteur se suicide…
Plus tard, en 1961, avec la déstalinisation, initiée par Khroutchtchev, on fera appel à un pyrotechnicien pour détruire cette énorme statue, et celui-ci subit une telle pression de la part des autorités, qu'il met fin à ces jours aussi !

Le groupe de rock psychédélique, The Plastic People of the Universe, le groupe le + persécuté, et le + emblématique de toute l'Europe Centrale, se forme à Prague, 2 mois après l'invasion soviétique.
Ils avaient chanté : « Personne n'est encore jamais arrivé nulle part… ». Cela n'a pas plu au pouvoir communiste en place, qui leur reprochait leur manque total de respect envers le simple travailleur !
Et ils furent jugés en tant que « parasites » !
De nombreux intellectuels sont venus courageusement assister régulièrement aux audiences du procès des membres de ce groupe, et cela a déclenché la création de la Charte 77 par Vaclav Havel.
La Charte 77 symbolisait la force des impuissants. C'était un manifeste qui « prenait la défense des gens privés de leur travail par les communistes et forcés d'effectuer un travail dégradant. »

Pour affaiblir la position de la Charte 77, le pouvoir communiste organise une contre-pétition massive qui sera appelée « l'Anticharte ».
Mais pourquoi donc 76 artistes nationaux, 360 artistes émérites et 7 000 ordinaires ont-ils signé cette Anticharte (alors qu'ils ignoraient totalement le contenu de la Charte 77 !) ?
Pas pour glorifier le régime communiste en place, ni par conviction, mais parce que c'était la seule façon pour eux de sauvegarder leur emploi ! Ils savaient que sinon, du jour au lendemain, ils se seraient retrouvés à passer la serpillière au sol ou à laver les carreaux !
Protester à l'époque, était suicidaire !
Les gens avaient le sentiment + ou – conscient d'être collectivement l'objet d'une menace constante et omniprésente et ils s'étaient lentement accoutumés à ces menaces. Leur seul moyen de se défendre était l'utilisation de + en + banalisée de diverses formes d'adaptations.
Leur signature au bas de l'Anticharte n'était donc pas un acte de lâcheté, mais un acte de condescendance rusée.

Parmi les nombreuses autres histoires, vous apprendrez ce qui est arrivé à Zatopek (ce médaillé olympique légendaire), à l'actrice Lida Baarova (dont Goebbels s'était amouraché), à Jan Prochazka (scénariste tchèque de renom), à Marta Kubisova (la chanteuse star d'un trio), mais aussi à des intellectuels, comme le philosophe Jiri Nemec, la journaliste Eda Kriseova, et Edouard Kirchberger
(Collectionneur de drames), sans oublier Jan Palach, cet étudiant qui s'était immolé par le feu pour protester contre la présence des russes après le Printemps de Prague !
Et puis vous apprendrez ce que signifie « Kafkarna », un mot qu'en 1985 on n'a pas le droit d'employer, qui est prononcé, mais pas écrit nulle part !

En conclusion de ces récits, bien documentés, et riches d'anecdotes intéressantes, il faut comprendre que les tchèques n'ont pas eu l'habitude de se lamenter sur leur sort, alors qu'ils subissaient le Protectorat avec les nazis, puis ensuite le régime répressif communiste pendant de nombreuses années.
Ils sont comme leur symbole national, ce brave soldat Chveik, un modèle d'adaptation réussie !
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Très courtes touches, couches, successives, qui désignent, qui dessinent le voisin, le lointain, le souffrant sous le joug.
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Ht Rakuten dans la foulée de ma lecture de COMMENT J'AI RENCONTRÉ LES POISSONS dont l'auteur a été un fervent découvreur et fan. Gottland est un livre de journaliste, historien, amoureux de la Rép Tchèque. Il se présente comme une série d'articles touchants, justes, parfois drôles, souvent tragiques sur des figures du XXème siècle de ce pays. Parfois difficile à suivre car bp de présupposés locaux + noms difficiles. Mais je suis allée au bout avec plaisir + intêret quand même et ne regrette pas ma lecture. Pas de garde.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
(Concernant la statue géante de Staline à Prague)

Aucun sculpteur n'a le droit de refuser son participation au concours organisé à cet effet. Dans un délai de neuf mois, cinquante-quatre artistes doivent présenter leur projets. Dieu merci, Ladislav Saloun est déjà mort ! disent les habitants de Prague à propos du sculpteur tchèque le plus réputé. Pour ne pas remporter le concours, Karel Pokorny, considéré comme son successeur, dessine le chef suprême avec les bras grands ouverts dans un geste amical, donnant ainsi à Staline un petit air de Jésus.

A présent, Otakar Svec façonne son modèle à la va-vite et - selon la rumeur - sous l'effet de deux bouteilles de vodka. C'est un honnête homme, aussi plagie t-il volontairement un projet d'avant-guerre représentant Miroslav Tyrs, un activiste bourgeois que le communistes n'apprécient guère.
Hélas, il gagne.
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Les paroles de ... ont été à la fois interprétées comme une étourderie d'artiste et comme une attitude à la Chveik - donc une étourderie parfaitement consciente. Car le grand principe du brave soldat Chveik est de survivre. En février 2002, dans son édition de week-end, le journal tchèque "Mlada fronta dnes" lance une discussion sur le sujet : pourquoi les Tchèques n'aiment pas les héros ? "Il y a des siècles, cette nation était considérée comme une bande de radicaux armés. Alors pourquoi, aujourd'hui, Chveik est devenu notre symbole national ?" demande la rédaction et elle fournit elle-même la réponse : "Parce que nous savons parfaitement que l'héroïsme n'est possible qu'au cinéma. Et que personne ne vit dans le vide."


Nombre de chercheurs soutiennent : "Ce n'est certainement pas un clown inconscient."
Chveik - le philosophe de la condescendance rusée.
Mais aussi le parfait modèle de l'adaptation réussie.
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L'homme qui doit liquider Staline - l'ingénieur Vladimir Krizek - reçoit de la part des autorités la recommandation la plus curieuse qu'il ait jamais entendue : "Il faut détruire le monument avec la plus grande dignité."

Il est interdit de bourrer d'explosifs la tête de Staline.
Personne n'a le droit de tirer sur la tête.
Aucun coup de feu ne doit être entendu.
Il est formellement interdit d'en parler, de photographier ou de filmer la destruction. Si quelqu'un le fait, il sera immédiatement arrêté.
L'entreprise de l'ingénieur Krizek est tétanisée par la peur.
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Il se trouve que le mot « mensonge » est interdit dans le domaine de l’art. Tout comme le mot « vérité ». Pendant la période de normalisation, on ne peut pas les employer. Une autre légende de la Nouvelle Vague Tchèque, Vera Chytilova, n’a pas pu utiliser dans son film le verbe « penser ».
« Je pense que… » devait dire lentement un acteur, mais la commission de contrôle avait décidé
qu’il était hors de question de le laisser penser de manière aussi appuyée, car cela pouvait donner libre cours aux interprétations les plus fantaisistes. Vera Chytilova fut même obligée de couper une scène où l’un des protagonistes se retrouvait coincé dans les toilettes, et où il criait : « Je suis enfermé ! »
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Au lendemain de l'annexion de l'Autriche par le IIIe Reich, conscient du sort réservé à la Tchécoslovaquie, il se réveille avec une idée dans la tête. Bientôt, ce sera le "grand concert" des puissants. Même Varsovie estime que la Tchécoslovaquie est une création artificielle, condamnée à disparaître.
Dans son propre journal "Zlin", Jan Antonin Bata annonce l'idée qui lui est venue au réveil - transférer la Tchécoslovaquie en Amérique du Sud.
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