LE NŒUD
Au milieu de la nuit
Toutes les nuits vers trois ou quatre heures
Juste avant que mes yeux ne s’ouvrent tout rond et
Que je me sorte de mon lit pour m’amener pisser un coup
J’ai cette vision
Une vision simple
D’un nœud de pendu vide
Gracieusement je monte sur l’échafaud du bourreau
Je passe ma tête
Je sens la corde se serrer doucement autour de mon cou
La suite ne nécessite aucune explication
Mais quand même je ne comprends pas ce que signifie cette vision :
Si c’est ma dépression clinique et chronique
qui ramène sa sale gueule
Ou si elle est censée vous représenter vous, ma femme
et le même qui dort paisiblement dans la chambre d’à côté
Ou alors qu’un jour c’est moi qui vais me retrouver sur la potence
après que j’aie perdu la raison une bonne fois pour toutes et commis
un sanglant carnage
Ou peut-être que ce nœud n’est rien d’autre qu’un (c’est ça, rien d’autre que !)
Un symbole de nos dilemmes existentiels sur terre ici-bas
Et donc je me retrouve allongé là, bloqué
À attendre, le souffle court,
Qu’une explication surgisse des ténèbres
Elle ne vient jamais
Et j’ai perdu tout espoir qu’elle vienne un jour
Et puis je trouve mes jambes
Je bute contre la commode
Et je m’assois sur ce putain de chiotte comme une femme
Et je laisse faire
De retour dans la chambre
Les chiffres iridescents du réveil indiquent qu’il me reste
Deux ou trois heures
Avant que je n’aie à me lever de nouveau
Et passer ma tête
Dans le nœud
D’un autre jour.