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Citation de Cielvariable


Marquis de Sade
Justine n'était pas au bout de toutes les petites duretés que devaient lui faire sentir ses désastres. Il y a une infinité de scélérats dans le monde, qui, loin de s'attendrir sur les malheurs d'une fille sage, ne cherchent qu'à les redoubler pour la mieux contraindre à servir des passions où son indigence la condamne. Mais de tous les désagréments qu'elle eut à essuyer dans les commencements de sa malheureuse histoire, nous ne citerons que celui qu'elle éprouva chez Dubourg, un des plus durs, comme l'un des plus riches traitants de la capitale. La femme chez qui Justine logeait, l'avait adressée chez lui comme chez quelqu'un dont le crédit et les richesses pouvaient le plus sûrement adoucir la rigueur de son sort. Après avoir attendu très longtemps dans l'antichambre, on introduisit à la fin Justine. M. Dubourg, gros, court, et insolent comme tous les financiers, sortait de son lit, entortillé d'une robe de chambre flottante qui cachait à peine son désordre. On s'apprêtait à le coiffer. Il fit retirer son monde ; et, s'adressant à la jeune fille :
- Que me voulez-vous, mon enfant ? lui dit-il.
- Monsieur, lui répondit notre petite niaise, toute confuse, je suis une pauvre orpheline à peine âgée de quatorze ans, et qui connais déjà toutes les nuances de l'infortune ; j'implore votre commisération ; ayez pitié de moi, je vous conjure.
Et Justine, les larmes aux yeux, détaille avec intérêt au vieux scélérat les maux qu'elle endure, les difficultés qu'elle a de trouver une place... jusqu'à la répugnance qu'elle éprouve même à en prendre une, n'étant pas née pour cet état. Elle peint, en redoublant ses pleurs, l'effroi qu'elle a de l'avenir ; termine, en balbutiant, par l'espoir où elle est, qu'un homme aussi riche et aussi estimable que M. Dubourg lui procurera sans doute les moyens d'exister ; et tout cela avec cette éloquence du malheur, toujours rapide dans une âme sensible, toujours à charge à l'opulence.
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